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Auteur de l’article
  Etudiante en troisième année de droit, Helena Hazif-Thomas est passionnée par les droits de l’Homme et les libertés fondamentales. Elle a étudié l’excision lors d'un stage effectué dans un cabinet d’avocats spécialisé dans le droit de l’immigration, à Londres.
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L’excision, et si on en parlait ?


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60 000 femmes excisées en France !

Cachée, mise sous silence, excusée par toutes sortes de « raisons », l’excision est un sujet tabou dont on ne parle pas assez, voire pas du tout.

Pourtant, d’après l’INSEE, 200 millions de filles et de femmes sont excisées dans le monde, et ceci dans pas moins de 30 pays – pour donner un ordre d’idée, cela représente plus de trois fois le nombre d’habitants en France.

L’excision est définie par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) comme étant l’intervention aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme (clitoris, petites et grandes lèvres) et/ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pratiquée à des fins non thérapeutiques.

Certaines recherches lui trouvent une origine en Nubie, dans les régions qui correspondent aujourd’hui à l’Égypte et au Soudan. Des momies égyptiennes ont été retrouvées présentant des marques attestant cette pratique.

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Certains chercheurs en sciences sociales pensent que l’excision était pratiquée sur les femmes dans la société pharaonique par les classes sociales les plus élevées. Par mimétisme social, la pratique s’est progressivement répandue, les classes sociales inférieures ayant commencé à exciser leurs filles pour pouvoir les marier aux hommes de rang supérieur.

L’excision est alors objet de transmission : après son émergence, sa propagation a lieu dans divers pays avec toutes sortes de modifications rituelles selon la culture. La pratique se serait ainsi répandue vers l’Ouest de l’Afrique et dans l’Est, au Yémen. Les différents groupes ethniques se sont appropriés l’excision et l’ont intégrée dans leurs propres traditions ; c’est pourquoi une multitude de raisons peuvent aujourd’hui être invoquées par les groupes qui perpétuent cette pratique.

L’excision aurait donc plusieurs « justifications ». D’abord l’idée que les femmes non excisées seraient « impures », car le clitoris a la même origine embryonnaire que le pénis et présente une anatomie identique. Ou encore que les femmes ne serviraient qu’à la reproduction et donc ne devraient pas éprouver de plaisir pendant les rapports sexuels.

Aussi, dans ces cultures, l’excision est l’une des conditions pour pouvoir marier sa fille, et les parents craignent que celle-ci reste une charge financière pour eux si elle reste au foyer. Les femmes devraient être excisées pour que, lors du mariage, l’époux s’assure de la virginité de sa femme. Coupant les peaux (les lèvres vaginales) recousues lors de l’excision, il a alors la preuve qu’elle n’a pas pu avoir de rapport sexuel précédemment. Il est donc dur d’imaginer la souffrance subie à chaque étape importante de la vie de la femme (premières règles, mariage, accouchement…).

Lorsque l’on sait que le clitoris est un organe (et le seul) ne servant qu’à atteindre le plaisir, on peut clairement en déduire que l’excision est l’expression ultra violente de la domination masculine sur les femmes qui alors ne peuvent plus ressentir de plaisir, sinon quoi ?

Les femmes qui subissent cette mutilation sans leur consentement, souvent dans des conditions déplorables, notamment dans les villages isolés d’Afrique subsaharienne, connaissent par la suite de multiples problèmes de santé. Quand elles ne présentent pas des complications immédiates de surinfection ou d’hémorragie pouvant conduire à leur décès, elles subissent tout au long de leur vie les conséquences de cette mutilation : infections, douleurs lors des règles et des rapports, perte voire absence de libido, infertilité, complications lors de l’accouchement aboutissant parfois à la mort de la parturiente ou de l’enfant, sans oublier les répercutions psychologiques à vie.

En France, on estime à 60 000 environ le nombre de femmes excisées¹. Le plus souvent celles-ci sont issues de familles immigrées (on compte une famille immigrée sur 10).

La France est pourtant l’un des pays les plus stricts en la matière, car elle condamne non seulement les personnes qui ont pratiqué l’acte (médecin, tiers, parent…), mais aussi celles qui l’ont exigé (le plus souvent les parents). De plus les parents, responsables légaux de leurs enfants mineurs, peuvent également être pénalement réprimés même s’ils n’ont pas demandé que leur enfant soit excisé…

En effet, l’article 222-9 du code pénal prévoit 10 ans d’emprisonnement ainsi qu’une amende de 150 000 euros contre l’auteur et le responsable de l’enfant mutilé. De plus, la peine encourue est portée à 15 ans d’emprisonnement si la mutilation permanente est commise sur un mineur de moins de 15 ans, puis à 20 ans si l’auteur est un ascendant ou parent légitime, naturel ou adoptif ou par toute personne ayant autorité sur le mineur. Enfin la peine est portée à 30 ans si la mutilation a entrainé la mort sans intention de la donner (article 222-8 du code pénal).

En 2013, le législateur a introduit deux nouveaux délits, à l’article 227-24-1 du code pénal permettant de punir de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende :

  • « le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, ou d’user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu’il se soumette à une mutilation sexuelle alors que cette mutilation n’a pas été réalisée » ;
  • le fait « d’inciter directement autrui […] à commettre une mutilation sexuelle sur la personne d’un mineur, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée ».

La victime peut également porter plainte jusqu’à 20 ans après sa majorité, soit jusqu’à l’âge de 38 ans, pour condamner ces violences devant la justice française.

Le nombre de femmes excisées en France (ainsi que dans les autres pays industrialisés comme l’Allemagne, l’Angleterre, les États-Unis…) paraît dès lors insensé. Comment est-ce possible aujourd’hui ?

Il est inéluctablement le résultat d’un manque d’information et de prévention faite aux jeunes ainsi qu’à leurs parents, mais aussi, et surtout, aux familles immigrées provenant de pays pratiquant l’excision. Celles-ci, qui connaissent l’interdiction législative en France, profitent alors des vacances scolaires pour emmener leur fille dans leur pays natal et ainsi les faire exciser de force, avant de les ramener en France. Cette recherche d’un pays tolérant l’excision ne dédouane pas les parents de leur culpabilité aux yeux de la loi française.

Cependant, les milliers de cas connus en France sont le sommet de l’iceberg comparés à la Somalie (97 %) ou encore l’Égypte (92 % de femmes excisées)².

En effet, en Égypte, la situation est bien plus préoccupante. En dépit de l’interdiction légale de l’excision depuis un décret de 1996, celle-ci est quand même pratiquée dans des cliniques privées par des médecins, et non des hôpitaux d’État, rendant très difficile une interdiction effective et totale de cette pratique.

En 2007, deux enfants de douze et treize ans sont mortes à la suite d’une telle opération (en hôpital). Les législateurs égyptiens ont alors corrigé un manque dans le décret de 1996, interdisant aussi au personnel médical de pratiquer l’opération, les menaçant d’amendes, de peines de prison et d’interdiction d’exercer.

Le 26 janvier 2015, la cour d’appel de Mansoura a condamné un médecin libéral à 2 ans et 3 mois de prison ferme ainsi qu’à l’obligation de fermer sa clinique pendant un an, suite au décès d’une fillette de 12 ans morte suite à une excision dans sa clinique. Le père de la fille a quant à lui été condamné à trois mois de prison avec sursis pour avoir fait exciser sa fille. On peut clairement en déduire un laxisme dans la loi ainsi que dans la prise de décision des juges égyptiens.

Dans une suite logique d’humanisation, de progrès et de normalisation, pour agir contre cette pratique et la faire cesser, le meilleur moyen est l’apprentissage, la transmission des connaissances et la prévention pendant l’éducation des enfants.

Là où on se heurte à un premier hic : la tradition autour de l’excision est très ancrée dans les villages isolés d’Afrique. Parce que les habitants n’ont pas accès aux autres cultures et sont enfermés dans un cercle vicieux de pression sociale, ils ont la certitude que la continuation de cette tradition doit subsister car c’est ce qu’ils ont toujours connu.

Cependant, même chez les populations reculées où la tradition tient lieu de loi, il est possible de faire bouger les choses, comme le montre l’exemple des jeunes guerriers massaï au Kenya, qui utilisent le cricket comme moyen de sensibilisation contre l’excision. Formés à ce sport par Aliya Bauer, entraîneur anglaise de cricket, ils ont pu sortir de leurs tribus pour concourir contre les équipes adverses à l’étranger. Cette ouverture au monde leur a fait prendre conscience que l’excision est une tradition rétrograde. Ils ont ainsi pu convaincre les anciens, chefs du village et garants des coutumes, de faire cesser cette pratique, et se sont engagés à n’épouser que des femmes non excisées.

En outre, il est désormais possible d’améliorer la vie des femmes amputées. En France, en 1984, le Dr Pierre Foldès a mis au point une technique de reconstruction chirurgicale pour les victimes d’excision : il a ainsi transformé la vie de plus de 4 500 femmes. Grâce à son initiative, depuis 2004, la Sécurité sociale prend totalement en charge cette opération. À ce jour, la France est le seul pays à rembourser les frais liés à ce genre d’intervention.

Le manque d’information sur le sujet en France et dans le monde ne concerne pas que les mutilations génitales, mais plus généralement le sexe féminin dans sa globalité. Selon un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, publié en juin 2016, une fille de 15 ans sur quatre ne sait pas qu’elle a un clitoris. Un constat alarmant qui démontre notamment une inégalité dans la représentation des organes féminins et masculins.

« Les jeunes, et en particulier les filles, méconnaissent leur corps, et le plaisir féminin reste tabou : 84 % des filles de 13 ans ne savent pas comment représenter leur sexe alors qu’elles sont 53 % à savoir représenter le sexe masculin ». Aussi, l’on peut être étonné d’apprendre que jusqu’en 2017, aucune des 8 éditions de manuels scolaires de SVT disponibles sur le marché ne représentait correctement l’organe génital féminin.

On pourrait presque croire en un complot, pour garder les femmes dans l’ignorance, la soumission et la souffrance. À croire que l’on veut punir les femmes pour le simple fait d’être né femme. À quand une juste égalité entre les deux sexes ? À quand la suppression de pratiques inhumaines à l’encontre des femmes ?

Helena Hazif -Thomas


¹ 60 000 femmes excisées en France : LCI, 4 mars 2017, Julie Bernichan.

² Taux : « Female Genital Mutilation By Country » – World Atlas- April 25, 2017, Benjamin Elisha Sawe.

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