Antarctique se fissurant
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Parallèlement à son cursus universitaire en Sciences politiques et Relations internationales, Alexandra a renforcé sa rigueur analytique en travaillant pour le ministère des Armées. Passionnée par l’Océan, l’Orient et l’Histoire, elle s’évade au gré des expositions parisiennes et des livres chinés deçà-delà. Dès qu’elle le peut, elle voyage en quête de nouvelles cultures, de grands espaces et de sites de plongée insolites : autant de sources d’inspiration pour ses articles.
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L’Antarctique : tout un continent en péril


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Le plus grand sanctuaire de la Terre… pour combien de temps ?

L’Antarctique est le seul espace international formé de terre. Centre de toutes les convoitises, ce continent était disputé par sept pays au début du XXe siècle : la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Argentine, le Chili et le Royaume-Uni.

Patrimoine commun de l’humanité

Une démarche inédite est initiée par l’Année géophysique internationale (1957–1958). À l’issue d’observations géophysiques menées sur le continent inhabité, celui-ci se voit écarté des prétentions coloniales. En 1959, le Traité de Washington gèle les revendications territoriales sur les terres situées en-dessous du 60e parallèle de l’hémisphère Sud en instituant un statut provisoire de l’Antarctique. Le continent blanc est désormais un patrimoine commun de l’humanité, géré collectivement par les sept Etats précités ainsi que par les États-Unis, l’URSS, la Belgique, l’Afrique du Sud et le Japon, qui ont pris part aux négociations. Dès lors, en vertu de l’article 4-2 : « Aucun acte ou activité intervenant pendant la durée du présent Traité ne constituera une base permettant de faire valoir, de soutenir ou de contester une revendication de souveraineté territoriale dans l’Antarctique, ni ne créera des droits de souveraineté dans cette région. »

En vigueur en 1961, ce régime commun garantit la liberté d’accès de tous les pays au continent, la limitation de l’exploitation des ressources et la démilitarisation de l’Antarctique. Le continent est désormais affecté à des activités pacifiques, en particulier à la recherche scientifique.

Sauvé par Cousteau

Si le Traité de Washington compte seulement 12 parties contractantes, il est « ouvert à l’adhésion de tout État membre des Nations Unies, ou de tout autre État qui pourrait être invité à adhérer au Traité avec le consentement de toutes les Parties Contractantes » (article 13-1). Néanmoins, n’ayant pas pris part aux négociations, la majorité des États de la planète se sent lésée. Aussi, de nombreux pays n’ont de cesse de contester cette gestion du sixième continent, jugée inéquitable. Ils expriment leurs griefs à l’encontre du régime conventionnel au sein de l’Assemblée des Nations unies. De ce fait, le statut de l’Antarctique n’a aucune valeur coutumière et ne peut prétendre à l’universalité.

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En dépit de ce premier compromis politique, l’Antarctique est donc en sursis. D’autant que l’on y a découvert d’importants gisements d’hydrocarbures et que bien des États préfèreraient faire du continent un gigantesque terrain d’exploitation pétrolière plutôt que de le voir demeurer inviolé.

C’est toutefois compter sans le combat des environnementalistes, menés par le commandant Cousteau, qui lancent une campagne planétaire pour sauver le sanctuaire. En 1991, le Traité de Washington est révisé. En vigueur en 1998, le Protocole de Madrid, ou Protocole au traité de l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement, fixe un moratoire de 50 ans pour l’interdiction des activités économiques et commerciales en Antarctique. Le continent est alors institué en « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science » (Article 2).

Ce traité proscrit une nouvelle fois les activités militaires (bases, essais nucléaires, dépôt de déchets nucléaires) et soumet les activités scientifiques à une évaluation préalable de leur impact sur l’environnement. Jusqu’en 2048, le Protocole ne peut être modifié qu’avec l’accord unanime de toutes les Parties consultatives au Traité sur l’Antarctique. Cela dit, les États signataires n’ont pas renoncé à leurs revendications de souveraineté sur le continent ; rien ne garantit que le statut provisoire dont bénéficie l’Antarctique demeure à l’issue des prochaines négociations.

Ruée touristique sur le continent

Une autre menace, plus immédiate, pèse sur le fragile écosystème du continent blanc. Le nombre de touristes en Antarctique a été multiplié par huit en une génération, passant de moins de 5 000 en 1990 à 40 000 par an depuis 2015. Ceux-ci prennent part à des croisières gérées par l’International Association of Antarctica Tour Operators (IAATO). À ces 40 000 touristes, il faut dès lors ajouter les quelques 20 000 membres du personnel navigant et les 2 455 officiers de la marine, garants du bon déroulement des expéditions touristiques.

Les opérateurs conduisent leurs clients dans des zones non recouvertes de glace de façon permanente. Or, comme le souligne, Justine Shaw, chercheuse australienne au National Environmental Research Program (NERP), « seulement 1,5 % des zones dépourvues de glace appartiennent aux aires bénéficiant d’une protection spéciale selon le Traité de l’Antarctique ».

Ce n’est pas tant le comportement des touristes qui inquiète les chercheurs, mais leur propension à emmener avec eux sans le savoir des espèces étrangères qui pourraient perturber la biodiversité endémique. « Des plantes et des animaux, notamment des herbes et des insectes, ont été apportés en Antarctique », déplore le scientifique Steven Chown, de l’Université Monash (Melbourne).

À cet égard, le Traité sur l’Antarctique ne prévoit aucune disposition relative au tourisme. Il faut attendre 2009 pour qu’une mesure interdise le débarquement de bateaux transportant plus de 500 passagers sur le continent de glace. Si ce règlement limite les débarquements à 100 personnes pendant trois heures maximum, il n’est cependant pas entré en vigueur, en raison du nombre trop faible de ratifications.

Préserver les ressources naturelles

À partir de 2012, The Antarctic Ocean Alliance, une coalition de seize ONG (parmi lesquelles figurent notamment la WWF, Greenpeace et Pew Charitable Trusts), milite activement pour la sanctuarisation de la mer de Ross, surnommée « le dernier océan ».

Elle est en effet considérée comme le dernier écosystème marin préservé du monde. Selon la WWF (World Wide Fund for Nature), cette zone « accueille un tiers de la population mondiale des pingouins d’Adélie, un quart de tous les manchots empereurs, un tiers de tous les pétrels d’Antarctique et plus de la moitié de tous les phoques du Weddell Pacifique-Sud ».

Toutefois, ce milieu sauvage est à présent exposé à des polluants persistants et à des particules de plastique. Même dans ces eaux a priori intactes, le krill est menacé par la surpêche et le réchauffement de l’eau. Or, ces petites crevettes sont à la base du régime alimentaire de nombreuses espèces, telles les baleines, les phoques et les manchots ; la diminution des stocks perturbe ainsi l’ensemble de la chaîne alimentaire. En outre, de plus en plus prisée par les restaurants tokyoïtes et new-yorkais, la légine se vend 40 dollars le kilo. Ce poisson carnassier présent dans les profondeurs glaciales est dorénavant la cible des braconniers. Entre 2015 et 2016, dans le cadre de l’opération Icefish, la Sea Shepherd a arrêté six navires impliqués dans ce trafic et recherchés par Interpol.

Le 28 octobre 2016, les vingt-cinq membres de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique¹ (CCAMLR) s’accordent pour créer une aire marine protégée (AMP) d’1 550 000 km2 dans la mer de Ross. Plus grande que la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal réunies, l’AMP proposée par les États-Unis et la Nouvelle-Zélande doit permettre de protéger la biodiversité unique de la mer de Ross. À cet égard, le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères, Murray McCully, rapporte qu’1 120 000 km2 de la zone seront interdits à la pêche. Cet accord engage les pays membres du CCAMLR pendant trente-cinq ans. « Cette décision est historique car c’est la première fois que des Nations acceptent de protéger une gigantesque portion d’océan au-delà des juridictions nationales », se félicite Andrea Kavanagh, chargée de l’Antarctique au sein du lobby américain Pew Charitable Trusts.

En revanche, les autres projets d’AMP visant à protéger l’écosystème austral sont restés lettres mortes, du fait de l’opposition conjointe de la Fédération de Russie et de l’Ukraine. La France et l’Australie portent en effet un projet de zone protégée sur trois secteurs dans l’Est de l’Antarctique : une aire marine qui devrait couvrir 1 000 000 km2. L’Allemagne défend pour sa part la création d’une zone protégée d’1 800 000 km2 dans la mer de Weddell.

De leur côté, les ONG dédiés à la défense de l’environnement appellent à davantage de mobilisation politique. Aux yeux d’Hélène Bourges, responsable de la campagne Océans à Greenpeace France, « La France a joué un rôle capital dans le passé pour faire du continent antarctique une terre dédiée à la paix et à la science, protégée par le droit international. […] Elle doit faire preuve aujourd’hui de la même détermination politique en soutenant la création d’un sanctuaire en mer de Weddell ». Si les négociations interétatiques s’inscrivent dans la longue durée, le temps joue contre l’Antarctique.

Alexandra Nicolas

¹ Le CCAMLR (Convention on the Conservation of Antarctic Marine Living Resources) a vu le jour en 1982. Cette organisation vise à préserver ressources marines du continent de glace. Son siège se trouve à Hobart (Tasmanie).

Sources :

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