Le joueur brésilien Neymar vient de battre un record en France, celui du joueur le plus cher. Il représente 500 millions d’euros sur cinq ans. Les réactions ont été diverses et variées, de la consternation la plus totale à l’attente fébrile du joueur tant attendu. Cela a le mérite de nous questionner sur deux sujets.
Un nouvel investissement
Tout d’abord, cela interroge sur ce qu’est le sport aujourd’hui. Le temps où l’on se battait pour son équipe, sa ville ou son pays est loin derrière nous. Il est impératif de prendre en compte les contingences actuelles. Tout comme l’art, le sport est devenu un argument et un objet commercial de grande valeur. Si l’on se penche du point de vue de l’économie, c’est une industrie remarquable qui engrange des bénéfices impressionnants. Dans un monde post-humain comme le nôtre, qui ne vit plus que pour l’argent et le commerce, le sport traditionnel, qui consiste en un dépassement de soi, en la gloire de se battre pour une idée noble et non pour un salaire apparaît totalement désuet.
Est-ce un mal en soit de payer autant un joueur ? Non, pas sur le plan commercial. C’est une affaire en or qui démontre que la France, à travers ses mécènes, peut encore battre des records. Cependant, il semble évident que payer autant un joueur pour courir derrière un ballon est presque indécent. Nous ne pouvons donc pas parler du sport moderne et du sport traditionnel comme étant une seule et même chose. Les escrimeurs seraient mieux payés autrement. Ce sont bel et bien deux mondes qui s’opposent et qui ne se comprennent pas. Les objectifs ne sont pas les mêmes. Il est presque anachronique de comparer aujourd’hui ces deux systèmes, tant ils sont divergents. Et il est certainement stupide de condamner un sport tout entier parce que certains joueurs sont devenus des investissements.
La grande diversion
Non, ce qui est véritablement remarquable, et ce qui interroge davantage, c’est la capacité qu’a la société de proposer un nouveau « panem et circenses ». Les empereurs romains donnaient gratuitement du pain (panem) et des jeux (circenses) aux habitants de Rome afin de les maintenir occupés et de s’assurer de leur inactivité politique. Cela permis d’éviter de nombreuses révoltes.
Il est possible de comparer dans une certaine mesure les jeux du cirque et le football. Il est vrai que le football est infiniment plus civilisé et plus respectueux de la vie humaine et animale. Les combats à mort, les massacres de condamnés et de chrétiens sont des événements tragiques. Il ne s’agit pas de juger des hommes d’une autre époque et d’une autre culture, ce qui serait stupide, mais de condamner des actes barbares. Mais là où notre société dépasse la société romaine, c’est par la privatisation desdits jeux. Le fait d’accorder le sport à des groupes privés, souvent étrangers, bâtis trop vite sur le modèle des entreprises a eu deux conséquences : la première est que l’Etat n’a plus à gérer ou à payer cette occupation, et la seconde est que si les Romains se voyaient offrir les jeux, les Français préfèrent payer eux-mêmes leur passe-temps.
Ces nouveaux panem et circenses sont donc plein d’avenir puisque rentables.
Guillaume Péguy