Recherche des survivants après le naufrage du Titanic
Auteur de l’article
  Historienne de l’art, spécialisée dans l’étude du milieu de l’art dit « contemporain » et du système qu’il a engendré, elle est l’auteur d’un livre de référence : Les mirages de l’Art contemporain aux éditions de la Table Ronde, réédité en 2018 avec un supplément, « Brève histoire de l’Art financier ». Elle a collaboré à de nombreuses revues : « Conflits actuels », « Liberté politique », « écritique » etc. Elle appartient au comité de rédaction de la revue Commentaire et anime un blog avec une lettre d’information depuis 2009.
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A qui profitent les drames ?


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L’art de profiter des sinistres

On connaissait les « profiteurs de guerre » ; l’ère de la globalisation multiplie les « profiteurs de sinistres », actifs dans la culture. La Biennale d’art contemporain de Venise a ouvert avec en vedette l’épave d’un bateau ayant sombré en avril 2015 : mille morts, soit le pire naufrage de migrants en Méditerranée. La carcasse, en l’état, est exposée à Venise jusqu’au 20 novembre par l’artiste suisse Christoph Büchel, livrée aux voyeurs, sans installation autour, ni explication non plus.

En avril 2015, 800 personnes ont trouvé la mort sur cette embarcation rebaptisée Barca Nostra par Christoph Büchel.

Un grand humaniste, ce Büchel, pas du tout provocateur ; lors de la Biennale 2015, il avait transformé en mosquée une ancienne église vénitienne (Santa Maria della Misericordia). La thématique du pire entre dès les années 90 dans la carrière du commissaire de la Biennale, l’Américain Ralph Rugoff, avec ses expositions « Just Pathetic » et « Scene of Crime ». C’est lui qui a invité 79 artistes contemporains « à créer des œuvres sur les drames du monde moderne ».

La Coréenne Lee Bul dédie une installation au naufrage du ferry Sewol, au large de la Corée du Sud, en 2014 : 304 morts, des lycéens pour la plupart, ont droit à « une montagne de vieux chiffons [qui] se gonfle pour représenter la douleur, la peur, l’étonnement et l’impuissance ». C’est sûr, leurs parents iront mieux après, mais notre Boltanski pourrait en revendiquer le concept. Lee Bul, une femme sensible et délicate : au Moma de New-York en 1997, son installation « Majestueuse splendeur », composée de poissons morts ornés de bijoux clinquants et se décomposant, puait tellement que le musée dut la retirer.

A Venise on trouve une autre thanatologue : la Mexicaine Teresa Margolles qui « expose un mur érigé de barbelés et constitué de blocs de ciment d’une école où l’on peut voir les impacts de balles, là où quatre personnes ont été tuées ». Une artiste qui frise la sainteté : en l’an 2000, la mère d’un punk décédé n’avait pas de quoi payer un cercueil. L’artiste, charitable, le fournit contre une partie du cadavre qu’elle exposa « comme un ready-made » sic : la langue du jeune punk mort. Il y eu même un évêque, Mgr Rouet, pour applaudir¹.

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Les « profiteurs de sinistres » voudraient aussi accrocher Notre-Dame à leur tableau de chasse. Marianne a révélé que, dès 2016, un rapport du CNRS avait alerté le gouvernement sur l’état désastreux de la sécurité de la cathédrale. Le rapport a été classé « confidentiel défense » et rien n’a été fait. On sait l’emballement suspect déployé par le gouvernement Macron pour « reconstruire » (alors qu’il faudrait seulement restaurer).

Tout s’éclaire à la découverte du projet de refonte globale de l’île de la Cité, présenté au président Hollande, toujours en 2016. Ce rapport Perrault et Bélaval s’attaquait au vrai problème de Notre-Dame : elle reçoit de 13 à 14 millions de touristes « qui ne seraient pas bien accueillis ». Traduisez en marketing : il y a là une manne financière insuffisamment exploitée et qui ne retombe pas dans les bonnes poches ! D’où 35 propositions et un projet révolutionnaire : une gigantesque dalle transparente à la place du parvis de Notre-Dame, au-dessus de la crypte archéologique, avec débarcadère, plates-formes flottantes, piscine, cafés, restaurants, salles de concerts.

Certains se plaignent de la muséification des villes européennes : mais avec l’Hôtel-Dieu qui part, les policiers du quai des orfèvres qui ont déménagé, l’île de la Cité est vidée peu à peu de sa sève (administrative) et pourrait devenir un juteux centre touristique. Les dessins de ce projet futuriste sont glaçants. Seul détail enquiquinant pour ses promoteurs : les 22 hectares de l’île de la Cité sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco et protégés par des nombreuses contraintes réglementaires.

On s’étonne donc moins que M. Macron ait préparé une loi d’exception pour accélérer la reconstruction de Notre-Dame, déroger au code du patrimoine, s’affranchir des procédures en vigueur pour les monuments historiques sur un site qui n’en compte pas moins de 35² ! Jusqu’à prendre ses distances avec le Code des marchés publics. Le rapport en concluait, à l’époque, qu’un tel projet « n’a aucune chance de voir le jour » sauf évènement « inattendu et improbable » qui autoriserait le bouleversement d’un des sites architecturaux les plus protégés de France…

Comme les sinistres attendus et probables font bien les choses, non ? Vous avez aimé Koons à Versailles ? Vous allez adorer la privatisation de l’île de la Cité !

A propos de Koons, le 16 mai, son Rabbit, a été vendu 91,1 millions de dollars à New York, chez Christie’s. Koons redevient ainsi l’artiste vivant le plus cher au monde. Dans la construction de la valeur de ce « lapin » l’exposition à Versailles en 2008 a compté, mais, depuis, Jeff avait été contesté à Paris par les milieux culturels : son bouquet de tulipes, soi-disant hommage aux victimes du Bataclan, tirait trop ouvertement profit d’un sinistre sanglant. Il fallait d’urgence raffermir l’étalon du marché new-yorkais. Les financiers et les politiques viennent de remettre les pendules du marché à l’heure américaine…

Christine Sourgins


¹Voir « Les mirages de l’Art contemporain », La Table Ronde, 2018, p.226, 227
²L’État est propriétaire du site à 57 % et la Ville de Paris à 43 % .

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