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Auteur de l’article
Diplômé d'un Master de Manager de programmes internationaux – Humanitaire et Développement, Antoine Gransard a travaillé dans la communication et en tant qu’éducateur-instructeur en plein air, notamment à l’étranger. Passionné de politique et de sport, il partage sa grande sensibilité sur les thématiques environnementales.
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Arbres silencieux, avez-vous donc une âme ?


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Les facultés insoupçonnées des poumons de la Terre

Suffit-il de gesticuler, de jacasser ou encore pavoiser sur notre planète pour être vivant ? Ce n’est certainement pas de cette manière que les arbres conçoivent la vie. Une vie d’immobilité, inimaginable à l’heure actuelle pour Homo Sapiens. Nous sommes dopés à la mobilité et à la rapidité, l’exact contraire de ces « géants verts » qui peuplent nos forêts. Leur espace-temps est singulier, bien différent de celui des hommes : un arbre peut voir passer sous ses branches plusieurs générations d’êtres humains dans le plus grand silence.

Pourtant nos sociétés contemporaines tendent à les regarder comme des « robots organiques », simples fournisseurs de bois et d’oxygène. Inamovibles, ils jouent un rôle majeur dans la production d’oxygène et du prélèvement de gaz carbonique par le jeu de la photosynthèse. Les forêts sont des « puits de carbone » anéantis, année après année, par la déforestation. Selon Jean-Marie Pelt (professeur de biologie végétale et de pharmacologie), « un arbre peut produire jusqu’à 118 kilos d’oxygène par an »1, une quantité capable de combler les besoins d’un homme pendant 118 jours.

Cette vision mécaniciste de l’arbre supprime toutes caractéristiques propres au vivant. Pour le biologiste Francis Hallé : « La plupart des gamins pensent que les plantes ne sont pas vivantes. Quand je leur en parle, ça donne des discussions assez houleuses. Je leur explique que la vie, c’est pas de bouger et faire du bruit ; la vie, c’est se reproduire et évoluer. Les plantes font tout ça et quand on le voit, c’est passionnant. »2

Quelles sont les spécificités qui rendent les arbres si particuliers ?

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Depuis une trentaine d’années, une partie de la communauté scientifique a démontré que les arbres ont beaucoup à nous dire. Ils communiquent, transmettent des nutriments, adoptent collectivement des stratégies de défense. S’agit-il de découvertes récentes ? « Pas du tout ! Les scientifiques savent depuis les années 70 que les arbres communiquent […]. Simplement le grand public ne le sait pas : le langage scientifique est trop pointu et chaque chercheur étudie une pièce du puzzle »3. Sensibiliser le grand public sur les capacités méconnues des arbres, c’est l’objectif de Peter Wohlleben et de son livre La vie secrète des arbres, un succès mondial4.

Un monde vaste et secret

Pour Suzanne Simard (professeur en écologie forestière à l’Université de British Columbia), « une forêt est bien plus que ce que vous voyez »5 : les arbres vivent en communauté et le sous-sol, qui constitue le monde souterrain, est aussi vaste que la partie émergée. À travers un réseau de racines et de filaments de champignons, ils s’échangent du carbone, du phosphore, de l’azote, de l’eau, ce que l’universitaire appelle le « Wood Wide Web », sorte de web (« réseau ») de la forêt. En laboratoire, des scientifiques ont découvert que la racine d’un plant de pin pouvait transmettre du carbone à la racine d’un autre plant. Suzanne Simard et son équipe ont donc tenté l’expérimentation en forêt, en recouvrant un jeune plant de boulot et un plant de pin avec du plastique. Ils ont injecté du carbone 14 dans le premier, molécules radioactives donc facilement traçables avec un compteur Geiger, et du carbone 13 dans le second. Résultats concluants : les plants se sont échangé du carbone par le biais du réseau mycorhizien, association de racines et de filaments de champignons.

Dans ce réseau, il existe même des arbres-mères, les « hubs ». Ce sont en général les arbres les plus anciens et densément connectés aux autres ; ils nourrissent les jeunes arbres qui ne sont pas assez exposés au soleil pour grandir. Ils sont même capables de reconnaître des voisins de la même espèce et de transmettre leurs excès de carbone. Le carbone 13 est retrouvé en plus grande quantité chez les jeunes arbres de la même espèce que chez « les arbres étrangers ». Voilà qui remet en cause la vision de la foresterie classique et de la monoculture. Lorsqu’on supprime un arbre, on fragilise ses voisins et par effet domino, la forêt tout entière.

Des stratégies de défense collective

Les arbres s’entraident mais se protègent aussi les uns les autres face aux prédateurs : ils adoptent des stratégies de défense collective. L’exemple le plus connu ? Celui des acacias et des antilopes koudous d’Afrique du Sud6. Dans les années 80, des zootechniciens ont tenté de créer un élevage de koudous en les plaçant dans un enclos avec une quantité suffisante d’acacias. Rapidement, le personnel du parc a remarqué une mortalité grandissante chez ces antilopes dans le mystère le plus total… Des botanistes ont fini par comprendre le rôle de l’acacia dans cette histoire. Sans prédateurs, les koudous se sont rapidement reproduits, exerçant une pression sur la survie de ces arbres, lesquels, pour se défendre, ont produit du tanin en grande quantité, rendant leurs feuilles toxiques. Mais le mécanisme de défense ne s’arrête pas là : ils ont également diffusé du gaz éthylène fonctionnant comme une alerte. Leurs congénères détectant cette substance se sont mis, eux aussi, à produire du tanin7.

Il ne s’agit pas là d’une simple anecdote « exotique ». Des stratégies de défense similaires ont été observées chez d’autres espèces. Le margousier, par exemple, produit une huile contenant de l’azadirachtine, une substance qui bloque le développement larvaire des insectes8. Face aux insectes phytophages ou aux herbivores, les arbres peuvent faire appel à des prédateurs pour leur venir en aide. C’est le cas de l’acacia corne de bœuf avec les fourmis Pseudomyrmex ferrugineus9. En échange de leur protection contre les prédateurs, elles peuvent installer leur colonie dans les épines creuses et se nourrir du nectar sucré des feuilles. Leur relation va même plus loin : Pseudomyrmex ferrugineus n’étant pas capable de digérer le saccharose, l’acacia corne de bœuf ne lui propose que du fructose et du glucose. Un exemple parfait de mutualisme, une association biologiquement équilibrée entre deux partenaires.

Tout reste à découvrir

Et les arbres n’ont pas encore révélé tous leurs secrets ! Comment font-ils pour gérer leur consommation d’eau en cas de sécheresse ? Et ne pas surconsommer en prévision du prochain épisode caniculaire (ce qui implique un acte de mémorisation) ? Comment les arbres tropicaux de plus de cinquante mètres de hauteur « envoient » la sève des racines jusqu’à la cime ? Selon Francis Hallé, l’essentiel reste à découvrir10 : « il y a quelques semaines, un laboratoire italien a par exemple découvert qu’un arbre faisait du bruit quand il pousse. Nous ne l’entendons pas, bien sûr, mais ses voisins l’entendent. En plus, ce bruit est différent selon les espèces, un hêtre et un frêne ne font pas le même bruit. Donc l’arbre sait s’il a un voisin et il sait s’il est de la même espèce que lui ou non. Qui aurait pu imaginer un truc pareil il y a encore deux ans ? ».

L’intensification de la sylviculture et de la récolte de bois, l’augmentation des épisodes de sécheresse, les ravages de scolytes (insectes ravageurs) conduisent à un dépérissement de certains peuplements forestiers. Le changement climatique vient alors nous rappeler à notre propre immobilisme ; gesticuler, c’est une chose, agir en est une autre.

Antoine Gransard


1. PELT, Jean-Marie. Les dons précieux de la nature. J’ai Lu, 2011. 183 p. ISBN-10: 2290026867

2. Thibaut Schepman. « Éteignez la télé, écoutez les arbres pousser », L’OBS. URL : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-planete/20150113.RUE7408/eteignez-la-tele-ecoutez-les-arbres-pousser.html#:~:text=La%20plupart%20des%20gamins%20pensent,voit%2C%20c’est%20passionnant.

3. SCHAUB, Coralie. « Peter Wohlleben : “les arbres ne voteraient pas à droite !” », Libération. URL : http://next.liberation.fr/livres/2017/03/15/peter-wohlleben-les-arbres-ne-voteraient-pas-a-droite_1555933.

4. MCGRANE, Sally. “German Forest Ranger Finds That Trees Have Social Networks, Too”, New York Times. URL : https://www.nytimes.com/2016/01/30/world/europe/german-forest-ranger-finds-that-trees-have-social-networks-too.html.

5. SIMARD, Suzanne. 30 Août 2016. “How trees talk to each other”. URL : https://www.youtube.com/watch?v=Un2yBgIAxYs.

6. ROSSO, Lia. « Comment les arbres discutent dans la forêt », Le Temps. URL : https://www.letemps.ch/sciences/2017/05/08/arbres-discutent-foret.

7. BARTHELEMY, Pierre. « Les secrets des plantes contre les agressions », Le Monde. URL : https://www.lemonde.fr/passeurdesciences/article/2015/03/24/les-secrets-des-plantes-contre-les-agressions_6001658_5470970.html.

8. HUIGNARD, Jacques. « Les plantes et les insectes : une lutte permanente », INRA. URL : https://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i168huignard.pdf.

9. BARTHELEMY, Pierre. « Comment un arbre mène des fourmis à l’esclavage », Le Monde. URL : https://www.lemonde.fr/passeurdesciences/article/2013/11/20/comment-un-arbre-mene-des-fourmis-a-l-esclavage_5998958_5470970.html.

10. JACQUET Luc et HALLÉ Francis. 2013. « Il était une forêt ». The Walt Disney Company France.

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