Les éditions Équateurs republient la lettre que le poète breton a envoyée à ses filles peu avant de mourir.
Connaissez-vous Xavier Grall ? L’auteur de ces lignes n’avait jamais entendu parler de ce poète avant de découvrir ce petit livre d’une incandescente fraîcheur. L’inconnu me dévore, récemment publié aux éditions Équateurs.
Soit un homme, un père au seuil de la mort, qui écrit à ses filles qu’il nomme « mes Divines » ; cinq adolescentes plus belles les unes que les autres. Il a cinquante ans et s’appelle Xavier Grall. Quel nom ! Il est breton et catholique à sa façon, hérétique et païenne. Mystique en somme.
Son visage est celui d’un être précocement ruiné par la vie.
Un homme qui a joué avec sa peau, a beaucoup fumé, s’est drogué peut-être. Il a écrit quelques livres, dont celui-ci, qui est un chant d’amour aux êtres qu’il a perdus ou va quitter et à une terre bretonne consacrée par le chant des poètes. Journaliste à Paris dans les années 70, il retourne vivre avec sa femme Françoise et ses filles au nord de Pont-Aven. Nous sommes en 1973. Il sera pauvre mais vivant. Traumatisé par son expérience militaire durant la guerre d’Algérie, il réprouve l’aggiornamento vaticanesque de l’Église, ce qu’il appelle son « racolage ».
« L’aggiornamento liturgique de l’Église n’est qu’un minable crépuscule. Les gosses, qui dans une prairie, ensevelissent un oiseau mort inventent une plus belle liturgie. » Libertaire et traditionnaliste à la fois ; cet homme perclus de contradictions, ces rhumatismes de l’âme, veut transmettre à ses filles ce qu’il croit valoir la peine d’être vécu. Son sentiment du divin d’abord. « Dieu, je n’ai cherché que Lui dans le silence du désert, dans le verre de l’absinthe, dans le lit des plaisirs… je me glorifie d’avoir aimé. » La poésie bien sûr, il a publié un livre sur Rimbaud et puis l’amour des êtres. « Mes filles, mes Divines, je vous conjure d’admirer. Tout est fabuleux pour qui sait regarder… Plus tard, quand du fond de vos peines et de vos détresses, vous toucherez le froid squelette du monde, vous n’oublierez pas que ce même monde s’est vu offrir la laine fertile et miséricordieuse de l’Amour. »
Préfacé par le journaliste et écrivain Pierre Adrian, qui a écrit un livre très remarqué sur le cinéaste Pier Paolo Pasolini*, ce livre est un petit joyau. En quelques mots, Adrian va à l’essentiel dans la préface qu’il consacre à cet auteur injustement oublié : « L’homme est seul mais l’amour le rend capable. »
Paul François Paoli
Statut : Conseillé
* La Piste Pasolini, de Pierre Adrian aux Équateurs.