Après la machination de Bansky qui a autodétruit une toile de l’artiste chez Sothby’s, sa concurrente, Christie’s, se devait de réaliser une première mondiale. Ce fut fait à New York, le 25 octobre, avec la vente d’une toile peinte grâce à une intelligence artificielle (IA). Le collectif parisien Obvious (« évident » en anglais) en est l’auteur. L’œuvre, fut d’abord proposée à la vente sur eBay pour 10 000 euros, son acquéreur s’est empressé de la revendre chez Christie’s, qui l’a adjugée à 432 500 dollars, environ 380 000 euros.
Cette toile, le Portrait d’Edmond Belamy, représente « un homme vêtu à la mode du XIXème siècle, dont le visage est particulièrement flou, ce qui donne un aspect inquiétant à la toile ». C’est surtout très moche et prouve qu’une intelligence artificielle peut peindre aussi mal que le commun des mortels, sauf que l’auteur d’une croûte n’a pas le culot de signer d’une formule mathématique. L’algorithme si !
Cette peinture sans pinceaux ni pigments, est une impression sur toile, grâce aux « réseaux contradictoires » qui coordonnent deux algorithmes opposés. L’un puise dans une banque d’images de 15 000 peintures pour en créer une nouvelle, tandis que l’autre, « a permis d’affiner les propositions » autrement dit ce cafouillage sur le visage, vu mille fois dans les ateliers, quand le peintre, déçu, essuie rageusement sa toile d’un coup de chiffon. Ce portrait fait partie d’une série de 11 tableaux, appelée « La Famille de Belamy », nommée en hommage à l’inventeur des GAN, « réseaux contradictoires génératifs », Jan Goodfellow (en français Bellamy). Il va être content Mr Bellamy : toutes ces tronches en son honneur !
Le problème ce n’est pas l’intelligence artificielle, mais l’humain derrière elle, incapable de comprendre ce qu’il a créé ; une sorte de Frankenstein du portrait qui horrifie même les algorithmes, tentés d’effacer leur monstre. L’informaticien, aux chevilles gonflées, ne voit rien d’autre que son ambition « de redéfinir la place de l’artiste dans un mode où l’intelligence artificielle est de plus en plus omniprésente ». Enivrés, les membres d’Obvious, s’autoproclament « artistes ».
Mais de quoi je me mêle ! Y-a-t-il une nécessité sociale ou économique à l’application de l’IA à l’art ? Est-ce qu’on serait en manque d’artistes ? Rien qu’en France, des dizaines de milliers émargent à la Maison des artistes et nombre d’entre eux… pointent au RSA. Mais que veut ce collectif : mettre encore plus de galère dans la vie de milliers gens ? L’utilité du progrès est de faciliter les tâches humaines pénibles. Or si la peinture est difficile, parfois, elle n’a jamais été considérée comme un travail à la mine ! Evidence qu’Obvious a oublié.
Le produit de la vente de ce tableau servira à faire avancer la recherche collective sur la création par algorithme et à financer la puissance de calcul nécessaire à la production de ce type d’œuvres. Parce qu’en plus de coûter de la matière grise, l’affaire siphonne de l’argent ! La planète surchauffe, les abeilles meurent de pesticides, les plastiques saturent les océans, mais, à Paris, 3 geeks de 25 ans, des as des maths, au lieu de mettre leur cervelle au service de la planète et de l’humanité, ne pensent qu’à entrer dans le livre des records. A l’époque, révolue, des humanités chrétiennes, ne pas faire tout le bien dont on est capable se payait très cher, au jugement dernier.
Sous couvert de progrès, une pleine régression : il s’agit d’« évaluer les similarités et les distinctions entre les mécanismes du cerveau humain, tels que le processus créatif, et ceux d’un algorithme » autrement dit mesurer l’homme à la machine. Cet homme dont la machine devient le mètre étalon, n’était-ce pas le rêve de certains systèmes totalitaires au XXème siècle ?
L’acheteur a souhaité rester anonyme ; il y a de quoi…
Autre gadget numérique, Art selfie de Google, sensé vous dire à quel tableau de musée vous ressemblez. Capital, non, comment avons-nous pu vivre sans jusqu’ici ? Gag : l’algorithme de Google n’a pas le compas dans l’œil et une pauvre jeune fille à la chevelure bouclée qui s’est trouvée rapprochée d’un homme en perruque du XVIIème ! Prendre une femme pour un homme, pas très galants ces algorithmes…
Christine Sourgins