Coccinelle
Auteur de l’article
Jean-Louis Hartenberger, docteur ès sciences, est un paléontologue en voie de fossilisation. Il a travaillé à l’Institut des Sciences de l’Evolution fondé à l’Université de Montpellier par Louis Thaler en 1981. Spécialiste de Rongeurs, il a produit des articles, ouvrages scientifiques et de vulgarisation. Il est cofondateur du Journal of Mammalian Evolution et a écrit quatre livres sur les Mammifères fossiles et actuels ainsi qu’une autobiographie. De Montpellier où il réside, il blogge dans Scilogs (histoire de mammifères) de Pour la Science, le Dinoblog du Musée d’Espéraza et Décodeurs 360.
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Migrations invisibles : leur impact sur les activités humaines


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Les bêtes à bon dieu, comme des millions d’autres insectes, au printemps sont saisies de bougeotte. Et elles s’élancent dans les airs en escadrilles denses, des centaines de milliers voire des millions, pour gagner des lieux estivaux de villégiature et de cure. 130 km par jour et bientôt elles retrouveront l’éden dont elles ont rêvé tout l’hiver. Puis, avec le raccourcissement des jours, elles prendront le chemin du retour.

Quels sont les bienfaits de cette migration ?

Jusqu’ici il n’y avait guère que le bienheureux Jean-Henri Fabre qui par un beau mois d’octobre très ensoleillé avait observé au sommet du Ventoux (1800 m) un « congrès » de ces petites bêtes. Il raconte qu’en au moins sept lieux de la Montagne, il avait pu assister à des réunions de milliers de coccinelles, avec chacun son comité d’accueil chaleureux pour les arrivantes. Rien à voir avec Lampedusa.

Au matin, elles avaient disparu. Cette gent minuscule préfère voyager de nuit. Sans doute pour se garder des prédateurs ailés. Aussi à la nuit tombée, les coccinelles s’élancent dans les airs, guidées par leurs instincts et avec leurs bagages : dans leurs petites pattes, ce sont des wagons de pollen qu’elles transportent et dispersent. Rendues sur place, non seulement elles apporteront un sang neuf à la végétation locale, mais aussi seront des auxiliaires fort appréciés des jardiniers : à peine née, leur progéniture, de minuscules larves, trait jusqu’à épuisement les pucerons qui autrement dévoreraient les récoltes.

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De nombreuses coccinelles réunies en un amas
Un congrès de coccinelles (Craig K. Lorenz photo)

De nos jours, même au plus profond des nuits, ces migrations n’échappent plus à nos radars. Et on peut suivre les pérégrinations saisonnières de ces minuscules auxiliaires de La Nature, aussi désintéressés qu’indispensables.

C’est ainsi qu’en juin dernier des météorologistes de Californie eurent la surprise d’observer sur les images nocturnes des cieux un drôle de nuage hors de leur compétence : il apparaissait dans des tons verdâtres sur leurs écrans et ce n’était pas de la pluie ! C’était un vol de coccinelles de plus de 110 km d’étendue volant entre 1500 et 3000 mètres d’altitude au-dessus des comtés de Riverside et San Bernardino.

Carte du Sud de la Californie montrant plusieurs taches vertes, notamment une grande sur la ville d’Hesperia.
Une image radar qui montre les coccinelles survolant de nuit la Californie du Sud (tache verte). Crédit : National Weather Service, via Associated Press.

Mais il n’y a pas qu’en Amérique ou sur le Mont Ventoux que l’on peut mesurer l’ampleur de ces migrations saisonnières d’insectes. Une revue récente de chercheurs anglais a concentré ses études pendant plus de dix ans sur les migrations de petites mouches très prolifiques, très butineuses et très voyageuses, les syrphidées¹.

Epysyrphus balteatus sur un bouton d’or
Syrphidé le plus commun de Grande-Bretagne (Epysyrphus balteatus).
Photo William Hawkes, Université d’Exeter.

De fait, en tant qu’auxiliaires de l’agriculture elles ont une double action. Leurs larves se régalent des pucerons comme celles des coccinelles, et les adultes sont des agents polinisateurs très efficaces, en particulier pour la culture du colza, presqu’autant et même plus que les abeilles.

L’aire d’observation dans le sud de l’Angleterre a couvert un cercle d’environ 70 000 km2 par la pause de micro stations radars qui scannent le ciel 24 heures sur 24. Et les bilans qu’ils proposent donnent le vertige tant les chiffres de leurs comptages sont élevés. Chaque année, ce sont plus de quatre milliards de ces petites mouches qui entrent ou partent du sud de l’Angleterre pour gagner le nord de l’Europe. Elles volent au-dessus de 200 mètres d’altitude et certains de leurs nuages circulent à près de 1500 du sol. Chaque jour, elles parcourent entre 70 et 200 km dans ces allers-retours.

Ces migrations invisibles ont une grande influence sur l’environnement. Les syrphidées butinent sur leur passage des trillions de fleurs et véhiculent des quantités colossales de grains de pollen : chaque printemps, on estime qu’entre trois et huit milliards de ces grains sont importés dans le sud de l’Angleterre, et qu’importe le Brexit ! Leurs amours et leurs pontes vont donner le jour à des milliards de larves gourmandes de pucerons : chaque année ce sont sept mille tonnes de ces micro parasites des jardins qui sont éliminées.

Et puis, il faut bien dire que ce petit peuple est lui-même victime de prédateurs plus gros, et ainsi cette biomasse représente environ 80 tonnes de nourriture et 35 millions de calories pour ces consommateurs.

Ces migrations invisibles sont passées longtemps inaperçues, comme les luttes biologiques qu’elles entraînent et qui sont très bénéfiques pour les activités humaines, en l’occurrence l’agriculture. A l’heure où des constats alarmants sur les insectes et les oiseaux montrent que leurs effectifs sont en chute libre un peu partout dans le monde, et en particulier en Europe – moins 2,5 % par an pour les insectes et moins un tiers d’oiseaux en 15 ans – et qu’il ne fait aucun doute que cet « Armageddon biologique » est la conséquence directe de l’usage intensif des pesticides, est-il encore temps de regarder vivre la Nature, la comprendre et suivre ses leçons ? Il en va de notre alimentation, de notre santé, et même de notre survie.

Jean-Louis Hartenberger


¹ Wotton et al., 2019, Mass Seasonal Migrations of Hoverflies Provide Extensive Pollination and Crop Protection Services Current Biology 29, 1–7. July 8, 2019 ª 2019 Elsevier Ltd.

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