L’attentat islamiste perpétré mardi 29 mai par le belge converti à l’islam Benjamin Herman et qui s’est soldé par la mort de deux policières (attaquées au cutter puis achevées avec leur propre pistolet), et d’un passant, lui aussi abattu par balles, n’est que le dernier en date d’une longue série d’attentats perpétrés depuis les années 2000.
Malgré toutes les tentatives (habituelles) visant à douter des motivations islamistes idéologiques du terroriste — que nombre de bien-pensants cherchent systématiquement, en vain, à nier —, l’infraction a bien été qualifiée de « terroriste » assez rapidement par le Procureur du Roi belge. Les enquêteurs, qui ont trouvé un exemplaire du Coran dans sa cellule ainsi qu’un tapis de prière, ont été surpris par la religiosité extrême de Benjamin Herman.
Celui-ci était bien connu des services de police, d’abord en tant que délinquant violent, puisqu’il avait braqué avec son frère, en février 2008, une supérette à Forrières (Wallonie) et qu’il a été condamné de nombreuses fois pour vols, coups et blessures et trafic de stupéfiants, puis ensuite comme salafiste ultra-radical. L’objectif du terroriste belge était, conformément aux appels des idéologues jihadistes, de s’en prendre aux forces de l’ordre et aux institutions, c’est-à-dire à « l’État mécréant », hier la Belgique, avant-hier la France, et demain d’autres pays européens, le prochain sur la liste risquant d’être l’Italie, le pays de la catholicité.
Comme nombre d’autres attentats-jihadistes de type « low cost » — en général revendiqués par la nébuleuse Al-Qaïda ou, depuis 2014, par Daesh en Europe —, celui de Liège a été commis avec très peu de moyens logistiques (en l’occurrence des cutters et des armes volées aux policiers). Comme la plupart du temps, l’acte est le fait d’un « jeune » au lourd passé judiciaire et au profil de délinquant multirécidiviste.
Passé par la case prison et parfaitement connu des services de renseignement et de sécurité pour son récent engagement dans la mouvance islamiste-radicale de type « salafiste-jihadiste », Herman, né à Rochefort, près de Namur, en 1982, a suivi scrupuleusement les consignes des cerveaux du jihadisme moderne ou de « troisième génération », tels Aboubaker Al-Baghdadi, Abou Moussab Al-Suri ou le fameux et défunt Al-Adnani (ex-cerveau de Daesh), qui appellent sur les réseaux sociaux ou leurs sites les jeunes jihadistes à tuer « n’importe où n’importe comment » afin de « répandre le plus possible l’effroi et la peur dans le cœur du maximum de mécréants ».
L’extrême idéologisation et l’innocence trompeuse de la pratique religieuse
Loin d’être des personnes « auto-radicalisées » qui n’auraient « rien à voir avec l’islam », les « petits soldats du jihadisme » (ceux qui vont au casse-pipe) ont des motivations solides puisqu’ils sont décidés à aller jusqu’au sacrifice suprême. Ces motivations ne doivent pas être sous-estimées dans les écoles, les cantines scolaires, les universités, les quartiers ou les prisons, car elles découlent d’une idéologie théocratique-salafiste sunnite parfaitement huilée, et dont les petites vagues récurrentes qui gagnent l’Europe ne sont que l’aboutissement d’un tsunami mondial islamiste-totalitaire, conçu et exporté durant des décennies par le pays qui « tient » les Lieux saints de l’islam — La Mecque et Médine — l’Arabie saoudite.
Ce que nous subissons en Europe n’est qu’une infime partie de ce que subissent les pays musulmans, gagnés depuis les années 1980 par une véritable folie idéologique collective, prédatrice et mortifère. Cette idéologie prédatrice et néo-impériale (que les adeptes de la repentance anti-coloniale ne veulent pas nommer au nom du rejet du « suprémacisme blanc-judéo-chrétien ») n’est autre qu’un suprémacisme à rebours islamiste. Son objectif néo-colonial et menaçant est porté à la fois par les jihadistes purs (« coupeurs de têtes ») et leurs pendants institutionnels (États du Golfe, Turquie d’Erdoğan, Frères musulmans, Ligue islamique mondiale, OCI, Isesco, etc.), qui tentent de faire taire ceux qui associent islam et violence (« coupeurs de langues »).
Leur but commun de type suprémaciste est de soumettre l’univers à la Charia et au Califat via le marketing de la peur, qui finira par faire plier les mécréants « apeurés », « sidérés » par les preux jihadistes, à la fois culpabilisés, naïfs, inféconds et déprimés. Telle est la stratégie de l’intimidation, conçue par les cerveaux jihadistes. Leurs objectifs sont autrement plus « intelligents » que les profils problématiques des « petits soldats du terrorisme » qu’ils recrutent la plupart du temps parmi des milieux délinquants, violents marginaux ou problématiques, non pas parce leur projet n’aurait « rien à voir avec l’islam », mais parce que les récidivistes délinquants de type violents, comme le converti Herman, sont plus habitués à la violence et plus efficaces que des petits bourgeois ou individus lambdas bien éduqués et aux milieux familiaux stables.
Revenons au modus operandi, désormais « classique », de notre terroriste délinquant-jihadiste belge Benjamin Herman, qui a porté plusieurs coups de couteau aux deux policières avant de subtiliser leurs armes pour les achever avec un passant de 22 ans. L’homme, qui a finalement été abattu après avoir pris en otage une employée d’un groupe scolaire, a agi jusqu’à la fin en suivant scrupuleusement les « kits » de formation express et les appels au jihad, tels que formulés dans les vidéos de propagande d’Al-Qaïda ou Daesh, dans leurs revues ou « agences de presse » en français (Dar al-islam) ou en anglais (Inspire, Dabiq, Amaq, etc)…
Loin d’être le fruit d’un « nihilisme » ou surgie de nulle part, la mort sacrificielle des « martyrs du jihad » est recherchée en elle-même pour accéder au paradis d’Allah et aux belles houris promises au guerrier en récompense de l’acte suprême qu’est le Jihad.
Cette idée du sacrifice suprême qui consiste à mourir et à faire mourir pour le règne d’Allah est fortement enracinée dans la sourate IX, 29 du Coran (on a retrouvé un Coran là où Herman dormait, à côté de son tapis de prière), puis dans toute une tradition islamique « classique » (hadith de la Sunna, Sîra, Fiqh, etc.).
Elle est omniprésente sur le Web, « dark » ou « clean », dans les prisons et dans moult enseignements islamistes tout à fait autorisés dans nos sociétés perméables et suicidaires à la fois. Les cibles sont à chaque fois des « mécréants », des « apostats » (comme l’une des policières belges, Soraya), coupables de s’être ralliés aux « infidèles », et des forces de l’ordre, « coupables de persécuter les musulmans ». Les leitmotivs de Herman, comme de 90 % de prédécesseurs jihadistes d’Europe, sont la « vengeance des martyrs musulmans » tués par les « armées mécréantes » en Syrie et ailleurs, ou la « punition des blasphèmes » commis par les « ennemis de l’islam ».
Médiatiser l’acte barbare, même low cost ou de « faible intensité »
Le but recherché est la médiatisation de l’acte jihadiste aux fins de susciter l’effroi dans la société « impie » et de faire parler de l’islam en mal (jihadisme) comme en bien (« pas d’amalgame »). L’effet est à chaque fois garanti, c’est-à-dire un fort retour sur investissement en termes de « publicité », ce qui fait de nos médias et de notre attrait du sensationnel la meilleure arme des terroristes.
À chaque attentat, le désir de rédemption lugubre du petit soldat terroriste incité à se faire sauter et à tuer a été attisé par les cyniques cerveaux jihadistes, qui eux ne se font pas sauter si allègrement, savent très bien ce qu’ils font et ont une réelle stratégie. La seule différence entre le profil de l’assassin de Liège, Benjamin Herman, et celui des terroristes antérieurs qui ont ensanglanté les villes de France, de Belgique, d’Espagne, de Suède, d’Allemagne ou des États-Unis ces quinze dernières années est que l’auteur de l’attentat du 29 mai dernier n’est ni un étranger (Tchétchène, Marocain, Tunisien, Algérien, etc.), ni un fils d’immigrés musulmans, ni même un descendant de la « troisième génération », mais un « Européen de souche ».
Comme tant d’habitants de « banlieues de l’islam » issus de familles européennes chrétiennes, Herman a été acculturé dans son propre pays par une idéologie, anti-occidentale, anti-chrétienne, athéophobe, homophobe, judéophobe et apostatophobe, à la fois totalitaire et portée par une civilisation islamique extérieure revancharde.
Devenue « endogène » (nouvelle tarte à la crème analytique), car désormais « internalisée », cette idéologie jihadiste low cost est qualifiée par certains adeptes de la politique de l’autruche du nihilisme, comme « étrangère aux étrangers », comme « notre responsabilité », comme si l’extrémisme n’avait jamais été importé d’ailleurs, ou comme s’il était né en Bretagne ou en Normandie… En réalité, que les terroristes jihadistes s’appellent Kouachi ou Herman, Abdeslam ou Dupont, qu’ils soient « peu pratiquants », « ignorants », récemment convertis ou délinquants, cela ne veut dire ni qu’ils n’aient « rien à voir » avec l’islam, ni que leur idéologie et leurs inspirateurs soient surgis de nulle part.
Qu’on le veuille ou non, ce totalitarisme a été importé via l’immigration et ses conséquences. Il a été diffusé et sponsorisé par les États islamiques « amis » que nous laissons saper les fondements de nos sociétés sur notre propre sol, sachant qu’en Belgique, les imams — même fanatiques — sont payés par l’État… De ce fait, dans les « quartiers », les mosquées radicales ou les prisons, les « petits blancs » n’ont d’autre choix que de se soumettre (aslim taslam) et de se convertir à la « vraie religion », s’ils veulent être « intégrés », respectés ou épargnés.
Dans ces « banlieues » de l’islam où les autochtones chrétiens rasent les murs, c’est la « foi virile » (celle de Tyson, de Ben Laden et du rap) de l’islam qui permet à nombre de détenus « petits blancs » d’échapper au racket, aux passages à tabacs, aux viols ou aux privations et autres humiliations qui sont monnaie courante. Herman n’a pas surgi de nulle part car les lieux où il a évolué (quartiers chauds et prisons) sont des zones privilégiées de prosélytisme islamique et des viviers de recrutement pour les prédicateurs fanatiques. Le renoncement de l’État régalien est le vrai et premier coupable de cette situation.
Mêmes profils « connus des services », même récidive non anticipée, même laxisme judiciaire, même inadaptation des prisons…
En fait, le profil du « petit blanc » Herman est très similaire à ses tristes prédécesseurs « non-souchiens » ou « indigènes » comme diraient les adeptes du nouvel antiracisme « racisé » : incarcéré depuis 2003, Herman venait de bénéficier d’une permission pénitentiaire de deux jours « pour préparer sa réinsertion » en vue de sa libération ; après quoi il aurait dû regagner sa cellule de la prison de Marche-en-Famenne.
Comme tant d’autres islamo-délinquants avant lui, il a bénéficié des largesses de nos systèmes judiciaires, si cléments avec des gens qui ne pourraient pourtant être neutralisés, vu leurs profils, que s’ils étaient définitivement mis hors d’état de nuire, isolés ou encore éloignés à l’autre bout de la terre… Mais le bagne n’existe plus, la peine de mort non plus, et les prisons, véritables incubateurs de prédateurs violents et de terroristes islamistes, sont à la fois trop pleines, pas du tout adaptées à la menace et dotées de trop peu de moyens, comme nos services de renseignements structurellement et financièrement incapables de suivre tous les radicalisés répertoriés.
Ainsi qu’en ont témoigné les surveillants et des codétenus de Herman, aucun doute ne pouvait subsister quant à sa conversion à l’islamisme en prison et quant à sa radicalisation salafiste extrême et continue. Déterminé jusqu’à la mort, l’auteur de l’attentat barbare de Liège a crié à de nombreuses reprises « Allah Akbar » pendant et après la fusillade — comme ses prédécesseurs « martyrs » dans le jihad — et il a parlé très ostensiblement des « martyrs musulmans de Syrie » lorsqu’il a tiré à bout portant sur ses victimes.
Ceci montre une fois de plus la préparation idéologique et mentale des jihadistes et le fait que l’acte islamo-terroriste est le fruit d’un processus d’idéologisation et de préparation d’une très grande puissance, mais que nos sociétés consuméristes nient ou sous-estiment. Celles-ci devraient pouvoir l’anticiper, mais elles ne peuvent pas juguler ce phénomène d’idéologisation car elles sont prises au piège de leur « islamiquement correct », de leur mauvaise conscience qui les empêche, au nom de la « tolérance », de distinguer ce qui est du domaine du religieux, même « intégriste », et ce qui est du domaine de l’idéologie totalitaire, frontière quasi inexistence en matière d’islamisme.
C’est ainsi que, sous couvert de « droit à la différence » et de « liberté religieuse », nos sociétés ouvertes à tous les vents et malades de leurs complexes inhibiteurs et aveuglants, laissent prospérer un totalitarisme civilisationnel anti-occidental sur leur sol, sous prétexte que cet ennemi — désormais à la fois extérieur et intérieur — revêt l’habit de la liberté de pratiquer sa religion. Cette confusion-capitulation sera tôt ou tard fatale si un arrêt net n’est pas marqué rapidement. Car si nous ne relançons pas une puissante et ambitieuse machine à assimiler, alors plein de Herman s’islamiseront de façon convulsive et radicale, les plus durs passant à l’acte et les autres adhérant de façon moins brutale à des valeurs civilisationnelles hostiles… Une pensée pour Cyril, Soraya et Lucile, les trois derniers vrais martyrs, au sens chrétien du terme, de cet attentat islamiste.
Alexandre Del Valle
Géopolitologue et essayiste