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 Comment traiter avec les tyrans ? - Décodeurs 360 | Décodeurs 360
Charlie Chaplin dans Le Dictateur (1940)
Auteur de l’article
  Pierre Guerlain est professeur émérite à l'université Paris Nanterre. Son champs d'expertise est la politique étrangère des Etats-Unis. Il travaille aussi sur la vie politique américaine et l'observation transculturelle. Il publie des articles sur les Etats-Unis dans divers médias.
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Comment traiter avec les tyrans ?


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Du bon usage des dictateurs

Une phrase attribuée à Franklin Roosevelt, dont il est impossible de retrouver la source fiable, servira de point de départ, évoquant le dictateur nicaraguayen Somoza. Roosevelt aurait dit, en 1939 : « Somoza may be a son of a bitch, but he’s our son of a bitch. » (« Somoza est peut-être un fils de pute mais il est notre fils pute »). Cette phrase, apocryphe et vulgaire, décrit néanmoins fort bien une réalité de la politique étrangère américaine et s’applique aussi à d’autres pays, dont la France.

On peut donc supposer que Roosevelt savait bien que Somoza était un dictateur, mais comme il servait les intérêts des Etats-Unis cela n’avait pas d’importance. Ce cynisme réaliste est la base cachée des comportements des puissances démocratiques dans les relations internationales. Les démocraties inventent des motifs nobles ou humanitaires pour intervenir à l’étranger, motifs qui servent de masque cachant leurs motivations véritables. Les dictatures qui se soucient moins de leur opinion publique n’ont autant pas besoin de voile mais y recourent aussi à l’occasion.

La nature du pouvoir vénézuélien de Maduro, pouvoir qui est appelé « régime », ce qui contribue à le délégitimer, est invoquée pour justifier l’aide apportée à son opposant qui s’est autoproclamé président, Guaido. Ce régime est jugé dictatorial et le vice président américain, Pence, considère même que Maduro est « le tyran à Caracas ».

Bien évidemment, sans porter de jugement sur la nature du régime vénézuélien, qui est loin d’être parfait sur le plan du respect de la démocratie, on ne peut que comparer le « tyran de Caracas » à ceux du Caire ou de Ryad. Si le droit international et la démocratie étaient au cœur des préoccupations des Etats-Unis, les dictateurs égyptien et saoudien ou l’assassin présumé qui est le fils du roi en Arabie, MBS Mohamed bin Salman, seraient également menacés de sanctions économiques ou d’interventions militaires.

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Bien au contraire, Trump, comme Macron, encore une fois réunis, non seulement ne dénoncent pas ces dictateurs, mais leur vendent des armes et les protègent de la critique publique et internationale trop forte. L’Arabie saoudite commet des massacres innommables au Yémen où la famine sévit, mais la France et les Etats-Unis continuent leurs ventes d’armes. Macron a fait la leçon à Maduro depuis les salons de réception du dictateur égyptien, al-Sissi, au Caire. Position fort inconfortable sur le plan éthique. Ces choses sont connues mais systématiquement oubliées dans le débat public.

On entend parfois dire que les dirigeants occidentaux abordent le problème de la violation des droits humains avec les dictateurs qui sont « nos fils de pute », mais qu’il serait contre-productif de brusquer les choses. Ces mêmes partisans de la diplomatie secrète et douce sont pourtant en faveur de la manière forte contre les dictateurs ou dirigeants autoritaires qui ne servent pas « nos » intérêts. La novlangue orwellienne est la norme dans ce qu’il est convenu d’appeler la diplomatie.

Il serait évidemment illusoire d’imaginer que les autres grandes puissances ont un comportement plus éthique dans les relations internationales. Lors du sommet du G20 en Argentine, en novembre 2018, alors que les dirigeants des pays les plus riches du monde évitaient de s’afficher avec MBS (que les anglophones critiques appellent Mr Bonesaw, « M. Scie à Os ») Poutine a été lui serrer la main et a affiché une certaine complicité avec lui. Pour Poutine, il s’agissait de profiter de la fêlure entre les Etats-Unis et l’Arabie que l’assassinat de Khashoggi avait provoqué. En somme, de ravir en partie aux Etats-Unis leur bon rapport avec un dictateur tyrannique.

La Chine, qui ne fait jamais la leçon aux pays qu’elle aide et colonise sur le plan économique, protège tous les régimes tyranniques qui lui ouvrent leurs portes et est elle-même un régime tyrannique. Elle a, cependant, une puissance économique qui la protège des mesures de rétorsion. Néanmoins, en Asie ses pratiques financières brutales provoquent des réactions hostiles.

Les pays démocratiques comme les autres suivent en fait la règle édictée, apparemment, par Roosevelt du cynisme réaliste. Parfois un dictateur passe d’une case à une autre : il peut être un des nos « fils de pute », comme Saddam Hussein, tyrannique et meurtrier avant la guerre de 1991 lorsque les Etats-Unis et la France le soutenaient, puis passer dans la case des tyrans qu’il s’agit d’éliminer ou de contrôler, lorsque le dictateur désobéit ou enfreint la règle non dite de soutien à « nos » intérêts. Kadhafi est passé d’une case à l’autre plusieurs fois, avant d’être brutalement éliminé. De même pour Noriega au Panama, un tyran trafiquant de drogue d’abord soutenu par les Etats-Unis puis éliminé par intervention militaire.

Dans la rhétorique américaine ou occidentale, les tyrans ne deviennent immoraux ou un danger pour leur peuple que lorsqu’ils sont une menace pour nos intérêts, tout au moins tels que ceux-ci sont définis par les classes dirigeantes. Même Poutine n’était pas diabolisé au début des années 2000 lorsque la Russie semblait avoir accepté l’hégémonie américaine. George W Bush disait lui faire confiance, avoir vu son âme et il l’avait invité dans son ranch du Texas.

La rhétorique soudainement humanitaire lorsqu’il s’agit de se débarrasser d’un gêneur est transparente et peu crédible pour quiconque étudie les relations internationales. Néanmoins, elle fonctionne à merveille pour convaincre les populations des pays démocratiques où la propagande occupe la place de la violence dans les tyrannies. Chomsky le dit ainsi « La propagande est à la démocratie ce que la matraque est pour un Etat totalitaire ».

Ainsi, une majorité d’Occidentaux est d’accord pour faire tomber le régime tyrannique du Venezuela mais ne semble pas trouver bizarre que les régimes tout aussi, ou encore plus, tyranniques d’Arabie saoudite ou d’Egypte ne soient pas inquiétés.

La Rochefoucault nous dit dans une maxime fort connue que « L’hypocrisie est l’hommage que le vice rend à la vertu ». Dans les systèmes démocratiques, l’hypocrisie consiste à faire croire que l’on défend des valeurs universelles de respect du droit et de protection des peuples. Les réalités observables montrent qu’il n’en est pas ainsi mais la rhétorique hypocrite permet de conforter une croyance interne concernant nos valeurs supérieures car démocratiques et respectueuses des droits humains.

L’intervention occidentale en Libye en 2011, que ni la Russie ni la Chine n’ont bloqué par un véto à l’ONU, a été présentée par ses promoteurs, Sarkozy, Bernard Henri Lévy et Hillary Clinton, comme une intervention humanitaire visant à éviter un génocide ou un massacre. On sait maintenant que le dictateur Kadhafi ne s’apprêtait pas à commettre un génocide et les résultats de cette intervention humanitaire sont catastrophiques pour les Libyens qui vivent dans une situation de guerre et ont été infiltrés par Daech, mais aussi pour les Africains qui autrefois trouvaient du travail en Libye mais risquent aujourd’hui d’être capturés et vendus comme esclaves.

La vague de réfugiés qui tentent de venir en Europe est la conséquence directe de cette « guerre humanitaire ». On peut lire à ce sujet le livre de Rony Brauman Guerres humanitaires ? Mensonge et intox. Les nombreuses morts de réfugiés sont imputables aux pseudo-humanitaires va-t-en-guerre qui, non seulement, ne sont pas mis en accusation pour leur irresponsabilité voire leurs mensonges, mais continuent à donner des leçons de morale humanitaire dans les mêmes médias qui ont soutenu la guerre.

Dégommer un dictateur ou éliminer un tyran qui fut autrefois notre « fils de pute » n’est donc pas une bonne chose en soi mais produit très souvent des catastrophes humanitaires pires que celles dont l’on dit vouloir se protéger. La guerre en Irak contre un dictateur qui fut autrefois notre allié ou ami, menée au nom de la protection contre des armes de destruction massives inexistantes, a mis le feu au Moyen-Orient et grandement contribué au lancement de Daech. En Afghanistan, la guerre faisant suite aux attaques du 11 septembre est ingagnable et a facilité le recrutement de terroristes.

An nom de nos valeurs, du respect du droit ou de la défense des droits humains nous provoquons les catastrophes humanitaires qui affectent le monde entier et attisons le terrorisme qui ensuite nous attaque. La notion de responsabilité de protéger votée par l’ONU en 2005, qui devait permettre de lutter contre les génocides et nettoyages ethniques, a surtout pris la suite du droit d’ingérence cher à Bernard Kouchner mais qui est invoqué de façon impérialiste, comme le montre Immanuel Wallerstein.

La règle des relations internationales est donc la loi du plus fort qui est parfois masquée par un voile humanitaire hypocrite. La phrase apocryphe attribuée à Roosevelt déconstruit à la perfection la rhétorique pseudo-humanitaire des démocraties interventionnistes. L’espace public est envahi par une sorte de « moraline », de morale moralisatrice bien pensante centrée sur la valeur des individus qui s’appliquerait aussi aux relations internationales.

Ainsi si Saddam Hussein, Kadhafi, Maduro, Poutine ou Xi sont des individus immoraux, autocratiques ou tyranniques, il est légitime de les renverser ou éliminer, c’est même un devoir humanitaire. Cette règle ne s’applique bien évidemment qu’aux tyrans qui ne sont pas de notre côté mais ignore totalement les conséquences de l’élimination des dictateurs dans des situations données.

Plusieurs auteurs, notamment anglophones, indiquent qu’il vaudrait mieux, dans le domaine des relations internationales, invoquer le serment d’Hippocrate et l’idée ajoutée au 17e siècle : « tout d’abord ne pas nuire » (first do no harm). Ainsi il est clair qu’il ne fallait pas intervenir militairement en Libye comme en Irak car le remède est pire que le mal. Cette conception n’a rien à voir avec la lutte dite démocratique contre les dictateurs qui, certes permet à certaines belles âmes de parader, mais inflige le chaos au monde.

Les relations internationales ne sont pas un conte moral dans lequel il suffirait de punir les méchants pour être avisé et éthique. Refuser les interventions dites humanitaires contre les tyrans ne signifie pas nécessairement se ranger derrière eux. Le tyran Hitler, qui attaquait le monde et la liberté, a été vaincu grâce à l’aide du tyran Staline dans une situation qui n’a rien à voir avec l’Irak, la Libye ou le Venezuela aujourd’hui. Il n’y a jamais dans l’Histoire un camp du bien parfait opposé à un camp du mal total.

Une pensée authentiquement humanitaire prendrait en compte les conséquences des interventions et postures sur les populations civiles, ce qui en limiterait terriblement le nombre. Il existe d’autres façons de lutter contre les tyrannies en accueillant leurs opposants et en étant soi-même respectueux des droits humains chez nous et en les défendant pacifiquement chez nos alliés.

Pierre Guerlain

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