Hilary Clinton lors d’un meeting présidentiel
Auteur de l’article
  Pierre Guerlain est professeur émérite à l'université Paris Nanterre. Son champs d'expertise est la politique étrangère des Etats-Unis. Il travaille aussi sur la vie politique américaine et l'observation transculturelle. Il publie des articles sur les Etats-Unis dans divers médias.
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Complotisme d’Etat ? Le cas Clinton


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Clinton et Maddow : deux complotistes officielles occupent les médias

Le journal de gauche israélien Haaretz a publié le 2 mai 2019 dans sa version en anglais un article incluant une vidéo d’une interview entre Hillary Clinton et Rachel Maddow. On y voit les deux protagonistes qui s’accordent pour faire mine de croire que le rapport Mueller n’a pas détruit leur théorie du complot selon laquelle Poutine aurait réussi à faire élire Trump. Ceci alors même que ce rapport a explicitement écarté la possibilité d’une collusion ou d’une conspiration entre Trump et la Russie.

Cette courte vidéo peut servir de cas d’école de l’utilisation de bobards, fake news ou infox dans l’espace médiatico-politique. Madame Clinton vend l’idée que sa défaite est due à l’intervention de la Russie dans la campagne électorale américaine, et non à ses erreurs ou aux multiples autres facteurs purement américains qui expliquent le résultat. Citons, rapidement, le fait que plus d’un million d’électeurs, surtout noirs, ont été radiés des listes électorales, que le système des grands électeurs est inique et antidémocratique (Clinton avait presque trois millions de voix de plus que son rival) ; ajoutons que les classes défavorisées touchées par la mondialisation ne voulaient plus soutenir les politiques néolibérales suivies par Obama et Bill Clinton avant lui.

Le rapport Mueller, qui certes n’est pas la Bible disant toute la vérité sur l’affaire russe montre de multiples embrouilles et suggère que Trump est impliqué dans de nombreuses affaires pouvant conduire à des procès, néanmoins il est très explicite sur l’absence de collusion entre Trump et Poutine.

Comme le fait remarquer le professeur d’études soviétiques, puis russes, Stephen Cohen un passage du rapport souligne qu’après l’élection de 2016 les responsables russes cherchaient les personnes à contacter dans l’entourage du président élu car ils ignoraient qui ils pouvaient joindre. Donc pas de collusion et pas de contacts. Clinton avait d’ailleurs elle-même cherché à obtenir des informations compromettantes en Russie en finançant le rapport d’un ex-agent des services secrets britanniques, Steele.

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Néanmoins, Clinton et Rachel Maddow, la journaliste qui s’est fait une réputation et un salaire (10 millions de dollars annuels) grâce à la théorie du complot du Russiagate, continuent à évoquer l’influence de la Russie pour les élections passées, mais aussi à venir. Influence qui passerait par la création de dissensions entre les Américains.

Ainsi les Noirs, membres de Black Lives Matter ou pas, mécontents d’être arrêtés ou de voir leurs proches tués par la police seraient des victimes, non pas du racisme américain et des balles de la police, mais de la propagande russe. L’argent dépensé par tous les oligarques américains est sans commune mesure avec ce que les Russes, qui bien sûr espionnent les États-Unis, selon leurs moyens, auraient dépensé. A lui seul Sheldon Adelson a dépensé plus que ce que les Russes ont investi dans Facebook et il soutenait Trump, comme la famille Mercer qui, elle, finançait Cambridge Analytica et Steve Bannon.

Rachel Maddow, qui fut autrefois une journaliste de gauche critique de l’administration Bush, a compris que le Russiagate était un bon filon pour ses finances et celles de sa chaîne de TV, MSNBC. Elle s’est faite la spécialiste des accusations sans fondement, sans vérification des faits et a répandu l’idée que Trump était la marionnette de Poutine. Une marionnette qui vend des armes à l’Ukraine, menace l’allié de la Russie au Venezuela, cherche à faire capoter le projet de gazoduc de la Russie vers l’Allemagne (Nordstream) et tue quelques Russes en Syrie. Avec une marionnette comme celle-là qui a besoin d’ennemi ?

Dans le paysage orwellien des médias, il est toujours possible de finasser après une défaite sur le plan des idées et de la vérité. Le mensonge construit sur la collusion entre Trump et Poutine s’écroule, alors tout de suite on réoriente les débats en disant : pas de collusion directe, peut-être, mais obstruction de la justice (ce qui est vrai mais d’un autre ordre) ou bien une influence russe a été déterminante même sans conspiration.

Il est impossible de savoir si Clinton croit à sa théorie du complot mais généralement les « true believers » (« croyants fervents ») ne se débarrassent pas de leurs croyances lorsque les faits leur donnent tort. Ils ou elles cherchent une nouvelle voie pour réconcilier leurs croyances avec la réalité changeante. Dans le cas de Maddow, on ne sait pas si le choc de voir un personnage aussi grossier que Trump gagner l’élection présidentielle l’a conduite à perdre la raison ou son éthique journalistique, mais il est aussi facile de comprendre qu’elle avait tout à gagner en vendant une théorie du complot à laquelle beaucoup d’Américains, sonnés par la victoire du baratineur sexiste et raciste, veulent croire.

Cependant, comme l’a admis un responsable de CNN, John Bonifield, même lorsqu’une chaîne sait que ses infos sont du bullshit (« de la merde »), si l’audience grimpe alors tout va bien. (Because it’s ratings). Le New York Times, qui avait souligné que Trump avait bénéficié de deux milliards de dollars de publicité gratuite durant la campagne, a lui-même fortement profité de ses positions anti-Trump qui, certes, continuent la publicité gratuite pour le président honni, mais a fait tripler le nombre de ses abonnements. Trump et les médias qui se détestent sont en fait impliqués dans une relation apparemment hostile mais mutuellement bénéfique : je te dénonce avec virulence et j’en bénéficie.

Les journalistes ou universitaires critiques du Russiagate n’ont jamais été invités sur les grandes chaînes de TV, y compris sur celles dites de centre-gauche (liberal) qui, au contraire se sont lancées dans une version démocrate du maccarthysme. Un paysage médiatique démocratique aurait fait de la place pour des débats de fond entre journalistes. Si Aaron Maté, Ray McGovern ou, avant son décès, Robert Parry avaient débattu avec les complotistes officiels du Russiagate sur CNN ou MSNBC, il y a fort à parier que la théorie du complot aurait eu plus de mal à se répandre.

Les journalistes complotistes des grands médias ne se présentent jamais comme tels, car les complotistes, ce sont bien évidemment les autres. Ceux qui avaient menti sur les armes de destruction massive en Iraq, des complotistes donc, ou qui avaient répandu des rumeurs ou s’étaient comportés en perroquets du pouvoir n’ont pas vu leurs carrières trop affectées, à quelques exceptions près. Les journalistes critiques eux se sont faits virer.

La critique du Russiagate a été reléguée dans les médias alternatifs dont l’audience est sans commune mesure avec celle des ténors comme le New York Times, qui sert de Bible à beaucoup d’universitaires, pourtant souvent prompts à afficher la supériorité de l’Université face aux médias. Ces médias alternatifs sont souvent regroupés dans un amalgame avec les vrais complotistes des réseaux sociaux, souvent d’extrême droite. On les accuse d’être pro-russes ou des idiots utiles de Poutine, y compris lorsqu’ils disent explicitement ne pas approuver ou aimer ce dirigeant autocratique, ou on les range dans la catégorie infamante des populistes.

Maddow et Clinton donnent un bel aperçu de cette technique : elles sont toutes deux complotistes et refusent d’accepter l’écroulement de leur dernière théorie du complot ; elles affirment des choses fausses ou biaisées mais accusent leurs critiques, précisément de leurs propres défauts et manquements éthiques. On pourra lire l’éditorial de Serge Halimi et Pierre Rimbert dans Le Monde diplomatique de mai 2019 : « Tchernobyl médiatique ».

Les médias dominants de qualité se lamentent de la défiance du public à leur égard en oubliant qu’ils sont eux-mêmes, parfois, des vecteurs de fake news ou de théories du complot. Ce n’est pas nouveau ; avant l’émergence des réseaux sociaux, les bobards sur le Kosovo avaient produit leurs effets.

En France, le pouvoir macroniste s’est fait, avec Emelien et sa vidéo trafiquée sur l’affaire Benalla et Castaner et ses déclarations mensongères sur l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, un spécialiste des fake news mais se veut en pointe dans la lutte contre celles-ci. De façon ironique, il semblerait bien que Benalla ait coopéré avec des Russes proches de Poutine, pourtant considéré comme le chef d’orchestre des infox par Macron.

Le manque d’éthique journalistique aux États-Unis représente une victoire pour Trump, qui peut chercher à gommer ses propres mensonges et fake news permanents en pointant ceux des médias. La résistance à Trump n’est pas crédible lorsqu’elle recourt à des méthodes peu honnêtes, des infox ou produit ses propres théories du complot.

L’absence de vrai pluralisme et de débats démocratiques dans les paysages médiatiques occidentaux explique, pour partie, le succès des médias comme RT et des réseaux sociaux. Ces médias et réseaux sociaux sont eux-mêmes, bien sûr, sujets à manquements éthiques ou reportages biaisés.

Il n’y a pas de médias parfaits qui ne mentent jamais, surtout par omission, ou qui disent la vérité « objectivement ». L’objectivité n’existe pas car chacun et chaque média a des positions subjectives plus ou moins conscientes. Cependant, des règles déontologiques et le pluralisme démocratique des médias permettraient d’augmenter la qualité de l’information. Julia Cagé a proposé des pistes en ce sens dans son livre Sauver les médias.

Si Le Monde ou le New York Times donnaient plus de place aux débats avec des intellectuels qui ne sont pas d’accord avec eux, ils saperaient l’attrait des médias alternatifs en tout genre. Par exemple, sur le Venezuela, qui est un cas difficile, ils pourraient faire place au débat au lieu de s’aligner sur la rhétorique de Guaidó sans pour autant aduler Maduro.

Maddow et Clinton donnent un parfait exemple du journalisme de connivence avec le pouvoir politique : elles sont unies dans leurs préférences idéologiques, peu soucieuses de vérité et en posture de propagandistes. Elles appartiennent au même monde de l’argent fou. Deux millionnaires complotistes qui empêchent la manifestation de la vérité mais dénoncent… les complots des autres. Le bouc émissaire est un barrage à l’introspection.

L’argent qui pollue la démocratie en la rapprochant de la ploutocratie, détruit aussi la qualité des médias. Pour son salaire exorbitant, Maddow doit fait de l’amusement (entertainment) elle est en quelque sorte un Hanouna de l’information-désinformation. Beaucoup d’argent pour amuser les masses, les divertir et surtout les empêcher de réfléchir.

La Sénatrice américaine Elizabeth Warren raconte que lorsqu’elle est arrivée dans l’administration Obama, Larry Summers, qui venait de la banque Goldman Sachs et occupait le poste de Secrétaire du Trésor, lui avait expliqué qu’elle avait le choix entre être une insider (faire partie de l’équipe) qui serait écoutée et aurait accès aux gens puissants ou une outsider (en dehors de l’équipe), auquel cas elle pourrait s’exprimer librement mais n’aurait aucun pouvoir. La règle d’or des insiders est de ne jamais critiquer d’autres insiders. C’est la règle de fonctionnement d’une caste, pour reprendre le terme de Laurent Mauduit, ou d’une secte. Dans le cas des États-Unis, comme de la France, cette caste est aimantée par l’argent et synchrone avec le complexe militaro-industriel et les services secrets peu amènes envers les véritables progressistes.

Maddow et Clinton donnent une parfaite illustration du fonctionnement de cette caste médiatico-politique qui se comporte en propagandistes, perroquets et complotistes, mais aussi en pseudo-défenseurs du bien contre le mal (russe, populiste ou… complotiste). Ce faisant, le monde de Maddow et Clinton, doux avec les oligarques et dur avec les faibles, ressemble à celui de ses adversaires et contribue à « soviétiser les médias » et le rapport à la vérité.

Le choix pour un ou une responsable politique ou journaliste est donc très clair : soit l’on choisit d’être un insider et l’on a accès à l’argent, l’influence et la notoriété et l’on fait carrière, soit l’on choisit de se placer en dehors de la caste pour s’exprimer librement et l’on est marginalisé, mal payé, vilipendé et diabolisé.

Les néolibéraux qui tiennent les médias et détiennent le pouvoir de l’argent semblent s’étonner de la défiance des « déplorables » marginalisés qu’ils ont pourtant créée. Tout ceci n’a rien à voir avec des influences étrangères néfastes mais trouve sa source principale dans le fonctionnement capitalistique habituel des sociétés occidentales.

Pierre Guerlain

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