Donald et Mélania Trump
Auteur de l’article
  Pierre Guerlain est professeur émérite à l'université Paris Nanterre. Son champs d'expertise est la politique étrangère des Etats-Unis. Il travaille aussi sur la vie politique américaine et l'observation transculturelle. Il publie des articles sur les Etats-Unis dans divers médias.
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« Coup d’Etat administratif » à Washington ?


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Un coup d’Etat célébré par les faux opposants à Trump

La capitale des États-Unis vit au rythme des coups d’éclat permanents depuis l’élection de Trump en novembre 2016. Il y a accord chez les journalistes et intellectuels pour considérer que Trump est une catastrophe, et il n’est pas question ici de critiquer les dénonciations du président américain raciste, sexiste, « écocidaire » et ploutocratique.

Comme nombre d’analystes, y compris Obama, je considère que Trump est le symptôme d’une maladie américaine mais aussi mondiale. Cette maladie est celle qu’avait identifiée Martin Luther King un an avant son assassinat, celle du « racisme, du militarisme et du matérialisme extrême ».

La publication d’un extrait du livre de Bob Woodward, Fear, par le Washington Post a surtout conduit à des commentaires concernant le chaos qui règne à la Maison Blanche, chaos déjà mis à jour par le livre un peu sensationnel de Michael Wolff Fire and Fury. Chaos et mépris total de Trump pour ses ministres et collaborateurs et mépris de ceux-ci vis-à-vis du président qu’ils traitent d’idiot ou d’enfant colérique de 5 ou 6 ans. Ceux qui contrôlent ou restreignent Trump sont appelés « les adultes dans la pièce », mais ces adultes font partie de la même famille idéologique.

Bob Woodward est un journaliste de renom et dont les divers articles et livres sont presque unanimement considérés comme de très grande qualité. On peut supposer que celui qui sera publié le 11 septembre 2018 sera de même niveau. Il est possible de faire un premier commentaire sur un aspect qui est moins souvent relevé que celui de l’indéniable confusion mentale qui affecte le cerveau de Trump et ses techniques de « management ».

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Ce qui se passe à la Maison Blanche est, nous dit Woodward, « un coup d’État administratif ». Coup d’État car des documents sont subtilisés afin que Trump ne les voie pas et des requêtes impulsives du président colérique et mal informé ne sont pas suivies d’effets. En d’autres termes, le président ne préside pas, ce qui veut dire que la Constitution n’est pas respectée. Il s’agit bien donc d’une grave crise constitutionnelle.

US : Coup d'Etat administratif

Les arguments mis en avant pour justifier ce qui est quand même un coup d’État qui ressemble à une révolution de palais sont mis en évidence par une tribune anonyme d’un collaborateur de Trump dans le New York Times. Il affirme faire partie de la résistance à Trump et donc sa subversion du processus politique est présentée comme un acte de bravoure qui tend à protéger les États-Unis et la démocratie.

Saisissant détournement de la rhétorique démocratique : pour sauver la démocratie il faudrait commencer par la violer. L’anonymat de cet auteur/cette auteure pose problème puisque le courageux anonyme continue à travailler pour l’administration si chaotique et dangereuse. Ce collaborateur aurait pu démissionner et dénoncer les folies présidentielles de façon efficace.

Certains soupçonnent le vice-président, Mike Pence, d’être l’auteur de cette tribune. En cas de destitution ou d’invocation du 25e amendement déclarant que le président n’a pas toutes ses facultés mentales, Pence deviendrait président, mais il a démenti les rumeurs.

Ce coup d’État administratif pose la question centrale de la science politique aux États-Unis, de Robert Dahl à Noam Chomsky : qui gouverne ? Il est clair qu’en ce moment ce n’est pas Trump, qui vocifère et exige mais n’obtient pas ce qu’il veut : l’assassinat d’Assad ou une intervention militaire au Venezuela, un rapprochement avec la Russie ou un désengagement d’Afghanistan ou de Syrie. Ce que Trump veut change évidemment souvent. Sur la Syrie, il a dit vouloir se désengager mais aussi bombarder et assassiner. Cet homme est chaotique et sa présidence l’est également. Mais lorsqu’il ne décide pas qui décide pour lui ?

La tribune du New York Times est particulièrement révélatrice sur ce plan : le courageux anonyme considère que l’administration Trump, donc l’entourage de l’enfant roi despotique, a fait du bon travail en ce qui concerne « une déréglementation efficace, une réforme fiscale historique, des forces armées plus puissantes, etc », selon la traduction donnée par Le Monde.

L’opposant qui fait de la résistance est donc d’accord avec Trump en ce qui concerne la ploutocratie, car la réforme fiscale est un cadeau pour les super-riches, comme le dit Joseph Stiglitz un prix Nobel d’économie peu suspect de gauchisme. Il ou elle est d’accord avec l’augmentation du budget militaire, qui devrait atteindre 719 milliards de dollars l’an prochain et plomber l’économie réelle, donc affecter tous ceux qui ne sont pas inclus parmi les 10% les plus fortunés. Par ailleurs, la déréglementation est le cœur des croyances néolibérales en économie.

Le résistant qui, avec d’autres, organise le coup d’État administratif est donc réactionnaire et militariste comme Trump. Sa pseudo-résistance n’a rien à voir avec celle des lanceurs d’alerte comme Edgar Snowden ou John Kiriakou, car elle ne s’applique qu’au personnage Trump et à sa vulgarité impulsive. Avec des amis de ce genre la démocratie n’a pas besoin d’ennemis.

Qui décide donc de la politique étrangère américaine dans ces conditions ? On voit qu’il y a parfaite adéquation entre ce que veulent Sheldon Adelson et Benyamin Netanyahou en ce qui concerne le Moyen Orient, que la politique des États-Unis concernant la Russie, l’Afghanistan ou l’Arabie saoudite correspond aux désirs du complexe militaro-industriel et qu’en matière de cadeaux fiscaux le programme commun des ploutocrates, auquel Trump adhère et qui lui permet de s’enrichir personnellement et d’enrichir ses proches, n’est pas remis en cause.

L’enfant roi en son palais obtient ce qu’il veut sur l’Iran et la destruction de l’environnement, son crime majeur, mais son entourage de faux résistants est d’accord là-dessus. C’est en fait ce que les putschistes soft cachés dans l’administration organisent. La confusion mentale de Trump est donc une occasion pour mettre en œuvre un programme politique pour lequel les Américains n’ont pas voté et sans contrôle démocratique aucun.

Il est arrivé plusieurs fois dans l’histoire américaine que le président ne soit pas celui qui décide vraiment. George W. Bush avait beau se vanter d’être « the decider », il a souvent été téléguidé par Cheney, son vice-président. Reagan, qui était aussi inculte que Trump, avait des fiches simplistes pour l’informer et durant ses dernières années au pouvoir il souffrait déjà de la maladie d’Alzheimer, ce qui laissait le champ libre à son entourage. Nixon avait été tenu à l’écart d’une réunion sur la guerre au Moyen-Orient en 1973 par Kissinger. Woodrow Wilson avait eu une attaque après le Congrès de Versailles et n’avait plus toutes ses facultés. Il est fréquent que dans une institution le pouvoir ne réside pas là où les organigrammes le placent.

Mitterrand avait dénoncé le « coup d’État permanent » que les institutions de la Ve République voulues par de Gaulle instituaient, avant de se couler parfaitement dans ces institutions. D’une certaine façon, il existe aussi une forme de coup d’État permanent aux États-Unis, ce que Michael Glennon dans son livre National Security and Double Government appelle un « double gouvernement ».

On peut aussi citer l’influence du complexe militaro-industriel que dénonçait Eisenhower en quittant le pouvoir en 1961. Glennon montre comment Obama a été contraint par ce complexe militaro-industriel de prendre certaines décisions. Ben Rhodes, dans son livre, The World As It Is, montre les pressions qu’Obama a subies de la part du lobby pro-israélien alors même qu’il donnait satisfaction à Israël dans la plupart des cas, sauf pour l’accord sur le nucléaire iranien.

Les techniques de fausse résistance illustrées par la chronique anonyme s’accompagnent de la maintenant inévitable vénération de McCain « un point de repère pour rendre son honneur à la vie publique et à notre dialogue national ». Ce « point de repère » a fricoté avec des néo-nazis antisémites et des djihadistes et, selon l’organisation féministe NARAL, était l’un des parlementaires les plus antiféministes.

Voilà donc cette pseudo-résistance officielle, soutenue et applaudie par le New York Times et les liberals qui ressemble étrangement à une extrême droitisation de tout le paysage médiatique et politique.

Lors de la campagne de 2016, les services secrets américains, notamment les agents du FBI Strzok et Page, ont essayé de barrer la route au candidat dont on savait déjà qu’il était catastrophique. Le sénateur démocrate Schumer a prévenu Trump que l’on ne pouvait gagner contre les services secrets, ce qui lui a été répété par Philip Mudd, un ex-agent de la CIA.

Si l’on peut se réjouir que Trump ne puisse appuyer sur le bouton nucléaire un jour de colère, il faut quand même s’interroger sur la violation des règles élémentaires de la démocratie que ces discours et pratiques représentent.

Trump ne cesse de parler de la « chasse aux sorcières », dont il serait victime, pourchassé par le « deep state » (Etat profond). Les commentateurs se gaussent de la paranoïa (avérée) de Trump et considèrent, à tort, que l’expression « deep state » est une expression utilisée par la seule extrême droite.

Trump espère éviter tout contrôle médiatique et politique et souhaiterait bien cacher ses multiples violations des lois, magouilles et carambouilles. Les médias et les tribunaux font leur travail lorsqu’ils traquent les crimes, délits et mensonges.

L’expression « chasse aux sorcières » est utilisée précisément dans les cas où les soi-disant sorcières, comme celles de Salem en Nouvelle Angleterre au XVIIe siècle, ne sont pas coupables mais accusées à tort. Trump enfreint et a enfreint quantité de lois et il ne cesse de mentir et baratiner donc il n’y a pas de « chasse aux sorcières » en tant que telle le visant.

Par contre, l’Etat profond existe bel et bien, comme Edgar Snowden, qui a dit en avoir fait partie, l’a déclaré à plusieurs reprises. Snowden me semble bien plus crédible que les commentateurs qui font l’apologie de la fausse résistance ploutocratique et militariste. Cet État profond, c’est-à-dire l’Establishment politico-médiatique et les services secrets, veut la peau de Trump pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec la maladie américaine dénoncée par Martin Luther King.

Le complexe militaro-industriel n’a pas trop à se plaindre des décisions de Trump, ou plutôt de ceux dont il est le pantin plus ou moins conscient, mais, en termes de marketing, surtout à l’étranger, Trump est un vendeur problématique du militarisme comme de la ploutocratie. Sans parler de l’effet désastreux de ses positions anti-environnementales de casseur de la planète. Positions qui sont applaudies par les frères Koch et une grande partie des Républicains climatosceptiques et réactionnaires.

Un article du Washington Post du 19 juillet 2018 s’intitule « God Bless The Deep State ». L’auteur, Eugene Robinson, dénonce l’expression comme étant de la propagande, une théorie du complot. Donc pour lui l’État profond n’existe pas, c’est une théorie complotiste… mais heureusement qu’il est là car il contrôle Trump. La confusion mentale de Trump est visiblement contagieuse.

Bob Woodward, comme d’autres journalistes ou universitaires, met le doigt sur un problème très grave du système politique américain, mais l’écho médiatique qui célèbre la qualité de son travail pratique une contre-propagande pour ne pas combattre le trumpisme tout en s’attaquant à Trump.

Il s’agit pour ces multiples bavardages qui, hélas, ont envahi les journaux dominants de qualité, de traiter le symptôme sans toucher à la maladie. Laisser en place les « trois triplés géants » dont parlait Martin Luther King, « racisme, militarisme et matérialisme extrême », mais changer le représentant de commerce.

Les fausses oppositions manichéennes entre Trump et McCain, Trump et les résistants qui n’en sont pas, Trump et les néolibéraux qui seraient respectueux de la démocratie ne tiennent pas. Elles enferment analystes et citoyens dans un monde rhétorique d’où le tiers est exclu, comme si la démocratie ne pouvait pas être mieux servie que par des personnages presque aussi odieux les uns que les autres.

Pierre Guerlain

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