dubaï
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Parallèlement à son cursus universitaire en Sciences politiques et Relations internationales, Alexandra a renforcé sa rigueur analytique en travaillant pour le ministère des Armées. Passionnée par l’Océan, l’Orient et l’Histoire, elle s’évade au gré des expositions parisiennes et des livres chinés deçà-delà. Dès qu’elle le peut, elle voyage en quête de nouvelles cultures, de grands espaces et de sites de plongée insolites : autant de sources d’inspiration pour ses articles.
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Dubaï ou le mythe du messie Dollar


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Un mirage artificiel endémique du XXIe siècle

Certes, on érige encore des édifices incroyables. Certes, l’Homme est encore capable de dépasser l’entendement après Gizeh, Teotihuacán ou Notre-Dame de Paris. Il continue de s’élever vers le ciel, toujours plus haut, tel Icare. Cependant, si les constructions pharaoniques des Émirats témoignent du génie humain, elles révèlent aussi l’hybris et son potentiel tragique.

Les Anciens avaient inscrit la maxime « connais-toi toi-même » sur le fronton du temple de Delphes pour que chaque visiteur prenne conscience de sa mesure au regard des divinités qui le toisaient. Tous les monuments majestueux d’autrefois nous rappellent encore aujourd’hui combien nous sommes petits et éphémères comparés aux pierres pluriséculaires que nous contemplons. Nous tentons de saisir notre part d’immortalité (ou de popularité) en nous photographiant à leurs côtés… Nous ne demeurons pourtant qu’une goutte d’eau dans un océan de données, plus anonymes encore que les anonymes qui ont concouru à l’élévation des pierres que nous admirons.

Aux pieds du Burj Khalifa se trouvent le Dubai Mall et l’injonction consumériste « shop ». Le Burj et ses innombrables consœurs n’ont de facto d’autre sens que l’argent qu’on y investit. On construit d’ailleurs plus de tours qu’il n’y a d’habitants – au point que Dubaï aurait succombé à la bulle qu’il avait créée si l’émir d’Abu Dhabi n’était venu tout racheter… Mais on construit toujours.

Bien sûr, c’est spectaculaire, esthétique et bien entretenu. Chaque fois que je m’y suis rendue, j’ai été charmée par l’ingéniosité, l’équilibre subtil entre bling-bling et raffinement et, surtout, l’amabilité des gens et le sentiment de sécurité qui règne auprès d’eux. Toutes les promesses du progrès sont au rendez-vous ; on est au summum de tout. La plus haute tour, la plus grande roue, la plus large fontaine… Sans oublier ces immenses centres commerciaux qui accueillent aquarium géant, cascade, petit train et piste de ski !

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« Changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde », conseillait Descartes ; à Dubaï, on prône l’inverse. Telle la lampe d’Aladin, le dollar y fait luire d’infinies promesses… Dubaï, c’est un mirage dans le désert. Un mirage que la technologie a matérialisé pour une durée indéterminée… soumise aux aléas climatiques. Si l’on s’en tient aux prévisions actuelles, l’apogée sera rapidement suivi du déclin. Alors, sans même entrer dans les considérations sociales et environnementales qu’impliquent l’existence de ce mirage artificiel, on finit par se poser la question de la valeur de ce déluge de richesses.

Il y a néanmoins peu de place pour ce genre de réflexion dans la frénésie des êtres qui fuient l’ennui ; le temps, c’est de l’argent. Même le ciel est prié de s’incliner selon le bon vouloir du dollar. Cet été, un avion projetait des drones dans les nuages afin de les électriser et de les contraindre à libérer le précieux or bleu. Alternative moderne à la danse de la pluie ! Le Centre national de météorologie des Émirats arabes unis a cependant estimé que ces modifications géophysiques augmentent la quantité de la pluie plus qu’elles ne la convoquent…

Résultat : des pluies torrentielles dans tous les pays du Golfe en début d’année. En soixante-douze heures, c’est l’équivalent de dix-huit mois de précipitations qui déferlent dans la région. Et, bien sûr, les infrastructures locales n’ont pas été conçues pour faire face à de telles intempéries. Pas de système d’évacuation de l’eau dans ces villes ultra bétonnées dont les routes ont tôt fait d’être inondées. À Dubaï, certains lieux de divertissement ont temporairement fermé leurs portes. Les Émiratis n’auraient-ils pas joué aux apprentis sorciers à leurs propres dépens ? 

« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser. »1 Tenter de contrôler jusqu’à la pluie est-il dès lors une énième marque de l’orgueil humain ou l’une des déclinaisons contemporaines du divertissement pascalien ? Et si, au lieu d’avaler le temps pour oublier que nous sommes mortels, nous rendions hommage à la fugitivité de la vie en dégustant chaque instant ?

Et si ces 35 km2 de démesure étaient le reflet des maux que nous ne voyons plus et qui s’imposent soudain à notre conscience embarrassée, à la manière du portrait de Dorian Gray ? Le portrait, cette fois, d’un XXIe siècle entre génie et folie, grandeur et décadence.

Le grandiose tend souvent à occulter la beauté. On ne s’étonne plus de rien et l’on se laisse emporter par une fuite en avant dans l’espoir de s’extasier de nouveau. Moi la première, je partage ce qui me semble le plus saisissant, original, éclatant… L’attrait du « Beau », mais aussi de « l’exotisme » et de ce qui, en définitive, semble sortir de « l’ordinaire ».

Burj Khalifa (la plus haute tour du monde, 828 mètres)

La beauté est cependant omniprésente pour qui daigne lui accorder un regard. En réalité, voyager devrait nous apprendre à nous émerveiller de tout plutôt que d’affadir tout ce que nous percevons. Être impressionné par le Burj Khalifa n’empêche pas d’être subjugué par la finesse de l’Alhambra et interpellé par le moindre arc islamique rencontré au hasard d’une rue. Quel esthète n’apprécierait pas également la poésie d’un coucher de soleil, l’authenticité d’une balade en forêt et la sauvagerie d’une tempête ? Qui dédaignerait un sourire ? Pas celui d’une pub de parfum ou de dentifrice ; un sourire sincère, offert sans contrepartie ni arrière-pensées, avec des dents plus ou moins bien alignées, des rides plus ou moins marquées…

N’en déplaise aux Dubaïotes, ce qui est véritablement beau et grand n’a pas de prix. Aucun dollar, qu’il soit US ou AED, ne rachètera les libertés que nous avons perdues ou les moments de joie qui nous ont été enlevés.

L’amour ne se prend pas en photo et la simplicité n’est guère « instagrammable »… On en revient à la fable du Rat des villes et du Rat des champs, imaginée par Ésope au VIIe siècle avant notre ère et rendue célèbre par La Fontaine au XVIIe. Voir Dubaï un jour, pourquoi pas. Mais on ne dira guère « ne pas mourir avant d’avoir vu Dubaï ». Athée, déiste ou partisan de quelque confession que ce soit, même les plus opulents le savent au fond d’eux : ce qui importe vraiment, c’est de ne pas mourir avant d’avoir aimé.

Alexandra Nicolas


1. Extrait des Pensées de Blaise Pascal (Fragment Divertissement n°2 / 7)

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Le droit est-il moral ? C’était il y a tout juste dix ans. Un homme accusé de harcèlement sexuel eut recours à un moyen inédit pour se tirer d’affaire et l’article du Code pénal sanctionnant le harcèlement sexuel fut abrogé par la plus haute autorité judiciaire française… C’est l’histoire d’une…

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