Le 29 juin 2014, l’État islamique (EI, ISIS…), mouvement terroriste, proclamait la création du califat. Presque immédiatement, il menaçait l’existence même de l’Irak et profitait de la situation catastrophique en Syrie pour enrôler certains des groupes de libération présentés comme modérés afin de remplacer le gouvernement en place et de créer ainsi un califat au sein du Moyen-Orient. Sur l’instant les politiques et les médias n’en parlaient pas encore. Il faudrait attendre les tragiques événements de janvier 2015 pour que la France s’intéresse à ce nouveau venu dans la communauté internationale, et pour qu’elle le reconnaisse pour ce qu’il est : un centre de formation de terroristes. Cet État aura duré 3 ans, sa chute ayant eu lieu dans la plus totale indifférence. Haider al-Abadi, Premier ministre irakien, a en effet annoncé samedi dernier la victoire des forces armées sur le califat. Mais que voulez-vous ? Johnny est mort, et chaque État a ses préoccupations.
Quelle est l’origine du conflit ?
Qui soutient qui ?
Quelles mutations après la chute de l’EI ?
Des enjeux vitaux
La question du Moyen-Orient et de son contrôle est ancienne. Que ce soit en tant que berceau de la civilisation, centre originel des religions monothéistes ou encore en passage obligé pour la route de la soie, tout le monde a cherché à se l’approprier. Les enjeux modernes sont tout aussi vitaux pour notre économie : le pétrole. Il faut s’assurer un apport permanent, un tarif préférentiel et de bonnes relations avec le voisinage. Il est inutile de rappeler les guerres d’Irak, du Golfe ou du Koweït pour le démontrer. La question syrienne est à l’origine du même ordre : un oléoduc devant permettre à la Russie un approvisionnement certain. Mais, et comme en toute chose, les intérêts des uns font les conflits des autres. Ajoutons à cela les conflits religieux : la Syrie est gouvernée par un chiite, et les rapports avec les sunnites sont parfois houleux…
Derrière la volonté apparente d’apporter la démocratie (souvent à coup de missiles et autres joyeusetés), les puissances occidentales ne veulent pas que la Russie puisse avoir un apport aussi essentiel. De plus, le gouvernement de Bachar el-Assad, suite aux mouvements de contestations, réagit avec fermeté et souvent avec bien trop d’ardeur. Des exactions innommables ont lieu, qui légitiment la cause rebelle, qui gagne alors des partisans. Le terrain est parfait.
Au-delà d’une puérile vision complotiste, il est important de rappeler les tenants et les aboutissants de cette situation. Pour comprendre la Syrie, il faut connaître ce qui s’y passe : le président est en place depuis 2000 et a succédé à son père, il entretient des relations étroites avec la Russie, il est chiite… autant d’informations que l’on ne peut ignorer. La suite est connue de tous. Des exactions sont commises par les deux camps, et une féroce lutte s’engage dans la sphère politico-médiatique internationale. Bruxelles se joint à Washington aux côtés des rebelles, et Moscou s’allie à Damas.
Et qui est le grand vainqueur pendant ces quelques années ? L’État islamique, et ce pendant que l’opinion se concentrait sur un danger et ne voyait pas qu’émergeait un tout autre danger, d’une autre nature et bien plus terrible. Profitant de l’affaiblissement de Damas, il accroît son territoire à une vitesse fulgurante. Les avis se partagent : certains veulent une guerre sur deux fronts, contre l’alliance syro-russe ; d’autres, à l’image de M. Mélenchon tentent de rappeler que le vrai danger est le terrorisme, et que la question syrienne devra être traitée ultérieurement. Il faut prioriser les problèmes. Finalement, l’Irak se joint à la Syrie, ainsi que l’Iran afin d’éradiquer la menace. Et enfin, le monstre tombe.
Un double problème
La première difficulté concerne la Syrie. Que va-t-il se passer à présent ? Les mouvements de contestations ont pour la plupart rejoint l’État islamique et sont morts avec lui, ou tout du moins se sont-ils décrédibilisés auprès de l’opinion publique. Le gouvernement syrien sort grandi de cette épreuve : son alliance avec la Russie est renforcée, sa position internationale s’affirme un peu plus, et ce sont ses armées qui ont remporté la victoire. Il apparaît donc comme le sauveur d’une Syrie libre de toute dictature théocratique. L’Occident, par son refus de s’allier à la Syrie et de discuter avec son gouvernement, a perdu une occasion de régler diplomatiquement ce conflit interne, et sort décrédibilisée auprès de l’opinion syrienne qui risque de voir les puissances occidentales comme lointaines : ils ont vu des soldats russes les libérer, mais ils n’ont pas vu d’autres uniformes et de l’Occident n’ont aperçu que les bombardiers et les missiles. Difficile d’établir des relations durables à présent.
L’histoire étant écrite par les vainqueurs, comment allons-nous composer avec le gouvernement syrien à présent que nous avons publiquement annoncé que nous voulions la victoire des rebelles ? Et qui récupère les lauriers ? La Russie, la Turquie et l’Iran, qui se sont réunis afin d’instaurer un dialogue national le 20 novembre dernier à Sotchi. Nous n’étions pas invités… La France a ainsi perdu une occasion d’affirmer sa présence diplomatique au Moyen-Orient. Or tant que la France aura besoin de pétrole, il faut qu’elle soit présente et entretienne de bonnes relations avec ces pays-là. Cela ne veut pas dire qu’il faut fermer les yeux. Il faut les dénoncer, se lever contre, mais le faire avec subtilité et diplomatie. Si l’on parle à un ami, on peut le convaincre. Si l’on parle à un ennemi, on ne peut que le pousser à agir en opposition.
La deuxième difficulté est bien plus évidente. Avec la chute de l’État islamique, les risques d’attentats augmentent. Et ce, de deux manières : par notre certitude que tout est fini, et par l’afflux de potentiels terroristes. Tous les membres de l’État islamique ne sont pas morts, et il est évident qu’ils ne resteront pas en Syrie. Que vont-ils faire ? rentrer dans leurs pays d’origine, ou bien infiltrer les pays ennemis comme la France par exemple. Il faut absolument être vigilant car le nombre de potentiels terroristes va vraisemblablement augmenter d’ici quelques mois.
Tant que l’État islamique avait besoin de combattants pour subsister, nous étions en plus grande sécurité. Il unissait les différents groupuscules terroristes et les fédérait derrière un but commun. À présent que la tête qui les regroupait est tombée, ils vont être difficilement identifiables, imprévisibles, et constitueront une vraie menace. L’Union africaine redoute le retour de 6 000 combattants. On a vu ce qu’une dizaine d’entre eux pouvaient faire le 13 novembre 2015. Que peuvent faire des milliers ? Restons vigilants, il ne faut surtout pas croire que la chute de l’État islamique signifie la fin du risque terroriste.
Guillaume Péguy
Sources :
- http://www.lemonde.fr/syrie/
- https://www.ouest-france.fr/monde/irak/irak-le-premier-ministre-irakien-annonce-la-fin-de-la-guerre-contre-daesh-5435564
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_syrienne#Rôle_de_la_France
- http://www.lefigaro.fr/international/2017/12/10/01003-20171210ARTFIG00070-apres-trois-ans-de-combats-l-irak-declare-la-fin-de-la-guerre-contre-l-etat-islamique.php
- https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_islamique_%28organisation%29
- http://www.huffingtonpost.fr/ban-kimoon/la-guerre-civile-syrienne-menace-internationale_b_5532845.html
- https://stratpol.com/quand-la-syrie-seveillera/
- https://www.youtube.com/watch?v=R_KG_TLGSwg
- https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/
- https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/la-syrie-en-guerre_989289.html
- https://prochetmoyen-orient.ch/le-terrorisme-pour-les-nuls/