L’écologie est aujourd’hui un centre névralgique des débats politiques actuels, sans pour autant générer un consensus clair et efficient. La COP 21 a suscité, de par la forte présence des dirigeants politiques des cinq continents, des espoirs forts ; les applaudissements nourris de l’assemblée laissaient présager l’écriture d’une nouvelle page environnementale. Mais aujourd’hui, il ne reste de cet événement que des objectifs de moins en moins réalistes et le retrait des Etats-Unis, pourtant l’un des principaux pollueurs.
Bien que soutenu dans certaines décisions par le gouvernement dont il fait partie, Nicolas Hulot, aujourd’hui ministre de la Transition Écologique et Solidaire, garde néanmoins une place controversée. Enfin, Aymeric Caron a fondé le 8 février dernier « Rassemblement des Ecologistes pour le Vivant » (REV dans le texte), parti écologiste qui envisage de présenter des candidats aux prochaines élections européennes de 2019, et qui se veut principalement défendre la vie animale. Devant cette armada de dispositifs censés défendre une vision écologiste du monde, comment expliquer la difficulté à mener une politique écologiste durable ?
L’écologie, une préoccupation politique encore superficielle
Parallèlement à ce contexte français, tout pays démocratiquement développé compte dans son paysage politique des partis dits « écologistes ». Cependant, en 2016, seuls trois pays dans le monde étaient dirigés par des écologistes : Lettonie, République de Maurice et Autriche. Dès lors, comment expliquer le manque de succès et les échecs de toute politique environnementale ? Par ailleurs, la présence dans nos sociétés occidentales de partis écologistes pourrait signifier deux choses :
1- Que l’écologie serait une préoccupation à part entière qui justifierait l’existence d’un parti exclusif.
2- Que par conséquent les autres partis ne peuvent se préoccuper d’écologie. Ces deux raisonnements paraissent peu tenables au vu de la complexité de la question, notamment sur les plans économiques, politiques, et sociaux.
L’écologie intégrale
On peut trouver curieusement un élément de réponse dans les écrits pontificaux. Dans son encyclique Laudato Si, le Pape François (qui a d’ailleurs pris ce prénom en référence à François d’Assise, proclamé saint Patron de l’écologie par Jean-Paul II) nous invite à penser que si nous ne nous trompons pas sur les symptômes, ce sont en revanche les causes que nous ne ciblons pas correctement. Le bilan des causes que dresse le Pape François est en partie le suivant : plus d’urbanisation qui coupe un rapport nécessaire de l’Homme à la nature, des innovations technologiques auxquelles tous n’ont pas accès et qui redéfinissent les rapports humains, consommation de drogues accrue chez les jeunes, dynamique des moyens de communication qui nous font vivre dans l’instantanéité (et qui nous empêchent de penser le monde en profondeur), des conflits qui naissent de la raréfaction de certaines ressources que seuls les plus riches peuvent acquérir…
Ce tableau dépeint, c’est celui de relations humaines en pleine dégradations. Le pape François nous incite alors à penser que tant que ces relations entre les hommes ne seront pas repensées, comment pourrions-nous penser à une écologie durable ? Pouvons-nous aussi dissocier écologie et relations humaines ?
Le pape parle alors d’écologie intégrale : une écologie environnementale qui serait indissociable d’une écologie économique et sociale. Le pape évoque même une possible décroissance pour y arriver. Ainsi, une des clés de la réussite d’une politique à vertu écologique : que la préoccupation envers l’écologie soit à l’image de ce que devrait-être la préoccupation des Hommes envers les Hommes.
Les cinq défis de l’écologie intégrale
L’écologie intégrale du pape François se développe selon 5 axes qui redéfinissent la notion d’écologie communément acceptée aujourd’hui. En s’appuyant sur les récits judéo-chrétiens de la Création, qui donnent une place primordiale à l’Homme, le pape François nous propose sa vision de l’écologie intégrale, garante de la sauvegarde de ce qu’il appelle « la Maison Commune » (eco : la maison).
1 – L’environnement est pour le pape François la relation entre la nature et la société qui l’habite. Tout y est lié et compose un écosystème duquel l’Homme n’est pas supérieur, mais fait partie intégrante. Ainsi, il parle d’une crise socio-environnementale : une crise qui impliquerait écologie, rapports humains et économie.
2 – Un des dangers qui guette l’humanité, selon lui, serait la globalisation culturelle. Seulement, du point de vue écologique, aucune solution globalisée et générale ne saurait être efficace. Il en appelle alors à la prise en compte de la spécificité culturelle de chaque région du monde dans la recherche de solutions, et à la confiance portée dans chacune de ces cultures spécifiques.
3 – Le pape nous invite également à valoriser nos relations sociales. Cela passe par la nécessité d’imaginer et de développer des espaces de vie qui permettent ces échanges. Il en appelle ainsi à respecter nos espaces de vie et à prêter attention à tous ceux qui souhaitent innover au quotidien pour les embellir et les rendre condition d’interactions sociales de qualité.
4 – La promotion d’une écologie intégrale ne saurait se jouer sans l’attention à l’épanouissement de chacun, avec une attention plus particulière au plus pauvre (pauvreté entendue dans une acception générale – pauvreté économique, relationnelle, sociale…).
5 – Nous ne sommes pas propriétaires de la nature « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants », écrivait Antoine de Saint Exupéry dans Terre des Hommes (1939). Nous devons prendre conscience que la préservation de l’environnement doit se faire pour les générations futures. Le pape souhaite par-là combattre un individualisme croissant.
Un projet trop ambitieux ? Voire même utopique ? Certains le diront. A travers cette notion d’écologie intégrale dans laquelle l’Homme est le centre et la condition de réussite, le pape François souhaite alerter les décideurs politiques et économiques et interpeller la population mondiale sur cette crise socio-environnementale, en portant une attention particulière à toute initiative individuelle et locale.
Quelle influence sur le plan international ?
Ces cinq principes, le pape les souhaite base de réflexion pour les pouvoirs politiques et économiques afin de repenser et impulser une écologie intégrale et durable. Il invite ainsi les pays riches à envisager une décroissance en faveur des pays les plus pauvres, pour qui la facture de la transition énergétique peut être encore plus lourde et handicapante. Sur le plan de l’Homme, de plus en plus enclin à l’immédiateté, il y a un rapport au temps à synchroniser, entre le temps humain, de plus en plus court, et le temps politique et écologique, plus long. Nous ne voyons en effet les résultats des décisions politiques qu’à moyen ou long terme.
Le pape est à la fois chef d’Etat et religieux. Cela présente-t-il un avantage ? Par cette position double, il a toute légitimité à s’adresser à la fois aux dirigeants politiques et à la communauté catholique, voire même humaine. Mais la parole d’un religieux est-elle audible par tous ? Elle le doit. C’est pour cette raison que face à l’échec de politiques écologiques durables, il s’adresse avant tout à la communauté humaine pour qu’elle puisse, par des initiatives locales, impulser une écologie intégrale.
Tous responsables
Nous l’avons dit, au-delà des pouvoirs économiques et politiques, le pape s’adresse à toute la communauté catholique, et plus largement humaine. Mais il en appelle surtout à la responsabilité de chacun de mener, selon ces quelques principes, une vie dans laquelle place est faite à la préoccupation écologique intégrale. Des initiatives personnelles et locales qui se doivent d’être relayées comme signes de changements pour infléchir la politique internationale. Il en va de la responsabilité de tous et de chacun, pour les générations futures. Une révolution copernicienne est-elle en marche ?
Bastien Hugue