Le budget santé flambe
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Quand le budget santé explose

Tous les gouvernements cherchent à obtenir une diminution des dépenses de santé, sans y parvenir. Peut-on le faire en maintenant voir en améliorant la santé des Français ?


Comment réduire les dépenses de santé ?
Peut-on soigner mieux à moindre coût ?


Quelques chiffres

La France dépense 8,9 % de son PIB pour la santé. En moyenne, chaque Français y consacre 3 000 € par an. Et on ne voit pas poindre de stabilisation : les dépenses augmentent d’année en année. Les autres pays de l’Europe occidentale sont dans le même cas. Les Pays-Bas sont à 12,9 %, la Suisse à 11,5 %, l’Allemagne à 11,3 %. Quant aux USA, ce sont les champions : 17,7 % de leur PIB sont consacrés à la santé.

Depuis 1955 les dépenses de santé en France  sont passées de 3,5 à 8,9% du PIB.

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Pourquoi cette augmentation ?

3 raisons :

  • L’augmentation de la demande : elle est liée à l’augmentation du pouvoir d’achat et à la fascination de la population pour le progrès médical.
  • L’augmentation de l’offre de soins : liée à l’explosion des nouvelles technologies biologiques, radiologiques et chirurgicales.
  • L’augmentation de la durée de vie avec ses conséquences, les maladies du vieillissement : la durée moyenne de vie était de 60 ans dans les années 50, elle est supérieure à 80 ans aujourd’hui (85 chez les femmes, 79 chez les hommes). Partout en Europe, la durée de vie en mauvaise santé augmente.

Les propositions du ministère de la Santé

5 pistes sont étudiées :

  • La modification de la tarification dans les hôpitaux : depuis 2008 tous les établissements de santé français, publics ou privés sont soumis à la tarification dite T2A c’est-à-dire une tarification à l’acte. Un effet pervers en est la conséquence : les établissements ont intérêt à la multiplication des actes. Le président Macron s’est engagé lors de sa campagne électorale à y mettre fin. Le ministère de la Santé y réfléchit.
  • La chasse aux actes inutiles. La ministre de la Santé estime que 30% des actes médicaux sont inutiles. Les différentes spécialités médicales devront faire des propositions dans ce sens avant l’été 2018.
  • Le « virage ambulatoire » (soins sans hospitalisation) doit être étendu à d’autres activités que la chirurgie. Actuellement, seule la chirurgie sans hospitalisation est très développée.
  • Le « virage numérique ». Le dossier médical partagé, dossier unique pour chaque patient pouvant être consulté par tout médecin traitant, public ou privé, et la diffusion de la télémédecine.
  • La réforme des études médicales : revoir le numerus clausus à l’entrée des études et le classement des étudiants pour l’accès aux spécialités.

Analyse critique de ces propositions :

  • La modification de la tarification des prestations hospitalières est hautement souhaitable et est attendue par tous les acteurs de santé.  Mais ce changement prendra du temps : une équipe d’experts devra proposer d’ici fin 2019 plusieurs nouveaux modèles de financement.
  • La chasse aux actes inutiles est difficile dans le public et encore plus dans le privé. Le concours des différentes spécialités a peu de chance d’être efficace : des recommandations seront faites mais les sociétés savantes de chaque spécialité seront-elles suivies ?   
  • En revanche, si on veut faire la chasse aux actes inutiles dans le secteur public il faut faire appel à chaque chef de service, chaque chef de pôle pour être efficace. Des initiatives ont été faites et couronnées de succès, on peut s’en inspirer. En ce qui me concerne, lorsque j’étais chef de service de pédiatrie je réunissais mes proches collaborateurs en début de matinée. Cela me permettait de savoir l’essentiel des problèmes qui s’étaient posés depuis 24 heures. À l’occasion de cette réunion je demandais à chacun de justifier les examens complémentaires demandés. Je me suis vite aperçu que 30 % des examens demandés en urgence n’avaient pas été regardés. En m’astreignant à cette discipline je suis parvenu à supprimer les actes de laboratoire et de radiologie inutiles. Le chiffre de 30 % d’examens non regardés ne doit pas surprendre : dans les années 80, une étude faite à la Mayo Clinic – structure médicale (aux USA) dont on dit qu’elle est la plus performante au monde – les examens exécutés dont les résultats n’avaient été vus par personne était de 30 % !

Les responsables sont-ils prêts à suivre ces exemples ?

Pour les motiver, il est nécessaire de les dispenser de rapports sans objet et d’interminables réunions avec l’administration qui ne débouchent sur rien ! Le concours des administrations est indispensable afin de libérer du temps aux médecins : ceux-ci doivent reconquérir ce qu’au fil du temps ils ont perdu, la prééminence des soins et leur qualité sur les tâches administratives.

  • Le « virage ambulatoire » a déjà été fait, en médecine comme en chirurgie. Mais il demande que l’environnement familial, médical et infirmier le permette. Il peut sans doute être un peu développé, mais il ne faut pas en attendre de substantielles économies.
  • Le dossier médical partagé est sans doute une bonne idée, lancée depuis une loi de 2004, mais il n’a pas abouti. S’il était mis en place, il permettrait d’éviter les actes redondants qui sont nombreux. On lui oppose des problèmes éthiques concernant la confidentialité. Qu’attend-on pour y remédier ? Une expérimentation est en cours, mais sa durée n’a pas été précisée. À quand son évaluation ?

Quant à la télémédecine, elle doit sans conteste être développée, ne serait-ce que pour aider les médecins du secteur privé. C’est possible au prix d’investissements informatiques et de médecins hospitaliers disponibles pour conseiller les médecins privés.

  • La réforme des études médicales est un énorme chantier. Ni la modification du numerus clausus, ni celle de l’accession aux spécialités n’auront d’impact sur les dépenses de santé. Ces réformes ont un tout autre objectif.

Il faut réfléchir au constat suivant : un étudiant en médecine, lorsqu’il entame son parcours, estime que la santé n’a pas de prix. Que faire pour qu’à la fin de ses études il considère que la santé a un coût ?

Il serait utile que les ministères des universités et de la santé demandent à la conférence des doyens de facultés de médecine d’initier une réflexion en ce sens : la conférence des doyens est une structure très active et qui a du poids.

  • La formation continue des médecins en exercice doit comprendre un volet sur les dépenses induites par les actes médicaux.

Conclusion

Les dépenses de santé en France absorbent près de 9% du PIB et continuent à augmenter. Bien que nos voisins ne fassent pas mieux ce n’est pas une raison pour baisser les bras ; il est sans doute possible de faire mieux en maintenant une santé de qualité.

Après avoir recensé les causes (augmentation du niveau de vie, explosion des nouvelles technologies, vieillissement de la population), des pistes sont à proposer pour remédier à un mal pernicieux qui est inquiétant pour l’avenir.

Ces pistes sont les suivantes :

  • Revoir le système de tarification des hôpitaux qui, tel qu’il est, incite les hôpitaux à la multiplication des actes.
  • Faire la chasse aux actes inutiles (actes biologiques, radiologiques, mais aussi chirurgicaux) avec le concours des praticiens de terrain.
  • Utiliser le dossier médical partagé qui est en expérimentation mais dont l’évaluation n’est pas connue.
  • Développer la télémédecine et la rendre utilisable par les médecins libéraux.
  • Revoir la formation initiale et la formation continue des médecins : c’est là que se trouve la clé de la diminution des dépenses.

Toutes ces réformes vont demander du temps pour leur mise en œuvre, et plus encore pour que des résultats soient obtenus. Lorsqu’elles seront appliquées, parviendra-t-on à réduire les dépenses ? Ce n’est pas certain ! Mais si, au moins, on parvenait à les stabiliser au niveau actuel, ce serait un grand succès.

Rendez-vous dans 10 ans.

Professeur Jean-Paul Gallet
Ancien chef du service pédiatrie, ancien président de la CME de l’APHP (1984-1989), ancien Doyen (1990- 2000)

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