La dénonciation par Donald Trump de l’accord sur le nucléaire iranien n’est pas uniquement l’expression d’un différend entre alliés. Il constitue une attaque supplémentaire de la part du président américain contre un ordre international multilatéral. Il annonce une crise stratégique aux conséquences potentielles incalculables au Proche-Orient, et est porteur de ruptures du pacte transatlantique.
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L’Alliance atlantique est-elle en péril ?
En réalité, lorsque Donald Trump prend une décision de politique étrangère, il fait toujours preuve de cohérence : il prend en compte ce que pensent et souhaitent ses électeurs au détriment de l’intérêt national à long terme. Il joue en permanence une stratégie de la tension, estimant que cela va conduire les autres nations à se ranger derrière la barrière américaine, et éventuellement intensifier leurs achats d’armements aux États-Unis.
Leur poids, leur rôle historique, leur puissance ont conduit les Américains à ne jamais hésiter à avoir une politique unilatéraliste, le multilatéralisme étant plutôt une option. Mais jamais un président américain n’aura poussé le curseur aussi loin. Washington a toujours eu une conception de l’alliance atlantique comme devant être menée sous son leadership. Mais jamais aucun président américain n’a traité ses alliés avec aussi peu de considérations. Pour Trump, il n’y a pas de partenaires, il n’y a que des vassaux qui doivent s’aligner docilement derrière Washington.
La façon dont il gère le dossier iranien est encore plus grave que celle dont fit preuve George W. Bush dans le dossier irakien. Au moins celui-ci avait tenté de convaincre ses partenaires et essayé de trouver une solution au sein de l’ONU, faisant même revenir son pays à l’UNESCO pour montrer qu’il n’ignorait pas totalement le multilatéral. Trump ne s’embarrasse de rien de cela. Il décide seul, en fonction de calculs partisans, les autres nations doivent suivre sans discuter.
George W. Bush avait été suivi par des pays européens, notamment le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie et tous les pays de l’Est. Aujourd’hui, le président américain est bien plus isolé puisqu’il y a un front commun Londres-Paris-Berlin estimant qu’il fait gravement fausse route. Sans doute la République tchèque et les pays baltes, voire quelques autres, vont comme d’habitude le suivre docilement. Mais au niveau mondial, Trump est encore plus isolé que ne l’était George W. Bush en 2003. Pourtant, il est aujourd’hui devenu évident que le monde unipolaire était une illusion.
La volonté de Trump d’interdire aux autres signataires de l’accord sur le nucléaire iranien et à tout autre pays de continuer à avoir des relations commerciales avec l’Iran est une mise en cause fondamentale de leur souveraineté. Paris, Londres et Berlin sont mis au défi : soit ils résistent et ne tiennent pas compte des menaces de Washington, il y aura alors la plus grave crise que l’Alliance atlantique n’ait jamais connu ; soit ils appliquent les consignes de la Maison-Blanche et perdent en crédibilité et souveraineté.
C’est une occasion unique de montrer que l’Europe peut prendre en main son destin. Les États-Unis, qui ont été son protecteur pendant la Guerre froide, apparaissent aujourd’hui plus comme une source de danger en termes de sécurité, que de stabilité. Ils rassuraient face à l’URSS, désormais ils font peur. L’Alliance atlantique était une protection, Trump veut en faire une servitude. Nous parlons souvent de valeurs communes des pays occidentaux. Mais le multilatéralisme, qui est une valeur fondamentale dans un monde globalisé, nous sépare en fait. Trump montre une volonté hégémonique et punitive à l’égard de ceux qui sont en désaccord et dépasse ainsi de loin toutes les démarches impériales de ses prédécesseurs.
La France, en s’opposant à la guerre d’Irak en 2003, avait permis non pas de l’éviter, mais de préserver une biodiversité stratégique : le monde occidental n’était pas un bloc uni en se dressant face à une force sans loi, face au recours à la guerre comme moyen de résoudre les problèmes politiques, face à la brutalité aveugle. Elle avait obtenu un surcroît de prestige et une popularité internationale impressionnante. Emmanuel Macron, qui s’est maintes fois réclamé du gaullo-mitterrandisme, a aujourd’hui une occasion de marquer l’histoire.
Pascal Boniface
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